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Histoire de Montdidier
Livre I - Chapitre XV - Section II

par Victor de Beauvillé

Section II

Une députation de la ville assiste au sacre de l'empereur

Procession des saints Lugle et Luglien

Mgr de Mandolx, évêque d'Amiens, fait son entrée à Montdidier

Soins qui occupent l'autorité municipale

 

Le titre de premier consul était trop modeste pour l'homme qui dictait des lois à l'Europe ; le sceptre impérial et l'onction du souverain pontife étaient seuls dignes de son étonnante fortune. Le sacre semblait devoir placer pour toujours sous la protection divine l'avenir du nouvel empereur. Toutes les villes de France furent représentées à cette cérémonie. MM. Cauvel de Beauvillé, président du collége électoral ; Lendormy, sous-préfet ; Dupuy, président du comité cantonal ; et Landru, sergent de la garde nationale, se rendirent à Paris, et assistèrent, au nom de leurs concitoyens, au sacre de Napoléon. La ville célébra cette journée mémorable par un acte de bienfaisance : elle maria deux de ses enfants, et fit don au nouveau ménage de 1200 francs et d'un habillement à la mariée ; le nouveau couple fut conduit à l'église par le maire et le président du tribunal ; le repas de noces se fit chez M. Cocquerel.

La dévotion envers les reliques des saints Lugle et Luglien ne s'était pas manifestée énergiquement à l'époque malheureuse de 1793 pour s'éclipser sous un pouvoir qui avait rétabli le culte. Des pluies continuelles faisant concevoir, en 1805, des craintes sérieuses pour la récolte, le peuple eut recours, comme autrefois, à ses saints patrons. Le maire se rendit à l'église Saint-Pierre pour faire descendre leurs châsses, et, le 25 août, on fit une procession solennelle ; elle était conduite, en l'absence du curé de Saint-Pierre, par M. Clausel de Coussergue, grand vicaire du diocèse ; le clergé de la ville et du canton, les tribunaux civils et de commerce, le président du comité cantonal, les autorités, et les vétérans, drapeau en tête, y assistaient. Beaucoup d'habitants de Paillart suivaient la procession. Un rapprochement singulier excita la malignité des fidèles. On remarqua que l'un des plus fervents paroissiens, le plus dévoué aux saints Lugle et Luglien, celui qui portait pieusement leurs reliques, était ce même Sénéchal qui, en 1793, envoyait leurs châsses à la fonderie, et prêtait le secours de son épaule pour porter le buste d'un autre saint de cette époque, celui de Marat : c'était probablement une amende honorable. M. Pucelle s'était aussi singulièrement converti ; il n'y avait pas dans toute la ville de confrère plus dévot. La procession défila par la place de la Croix-Bleue, où l'on avait dressé un reposoir ; elle sortit par la porte d'Amiens, se rendit à l'hôpital, et de là à l'église du Sépulcre, après avoir fait plusieurs stations sur son chemin. C'est la dernière fois que les tribunaux assistèrent en corps à pareille cérémonie ; depuis, les magistrats n'y ont paru qu'individuellement et comme de simples particuliers ; l'opposition de l'un des juges, M. Cousin de Beaumesnil, en fut en partie la cause.

Le 3 mai 1806, Mgr de Mandolx, qui avait été transféré de l'évêché de la Rochelle à celui d'Amiens, en remplacement de Mgr Villaret, promu au siége d'Alexandrie, vint visiter Montdidier. Le clergé, en surplis, était allé au-devant de lui jusque dans le faubourg de Paris ; le prélat fut reçu sous un dais, et monta triomphalement la place. Arrivé devant l'église du Sépulcre, dont les portes étaient ouvertes, et dont les cloches sonnaient à toute volée, il y entra et fit sa prière ; il continua ensuite jusqu'à Saint-Pierre, et, après une courte station dans cette église, il alla loger au presbytère, où une garde d'honneur l'attendait. Le lendemain, qui était un dimanche, l'évêque administra le sacrement de confirmation à Saint-Pierre et au Sépulcre. Tous les honneurs dus à son rang lui furent rendus. Le 5, les habitants des paroisses environnantes se rendirent processionnellement à Saint-Pierre, sur les dix heures du matin, pour y recevoir la confirmation ; il y avait un grand concours de fidèles, car depuis 1789 que l'évêque de Babylone in partibus était venu à Montdidier, envoyé par Mgr de Machault, et depuis la visite pastorale de Mgr Desbois de Rochefort, en 1791, on n'avait pas administré ce sacrement dans notre ville.

La tranquillité dont on jouissait permit d'exécuter des travaux utiles. Pendant la révolution, les chemins et les rues avaient été complétement négligés : les uns étaient impraticables, et le pavé des autres était si mauvais qu'il gênait plus qu'il ne favorisait la circulation. Les voitures ne pouvaient se rendre à l'abreuvoir sans être exposées à verser. Les rues des Tanneries, de Saint-Médard, du Val-à-Carré étaient de véritables fondrières ; à peine mettait-on le pied hors des portes qu'il était impossible en hiver de se tirer des mauvais chemins. M. Cocquerel se mit courageusement à l'œuvre, et entreprit la tache difficile de rendre viables les voies de communication : mais les faibles ressources du budget communal étaient insuffisantes pour faire face à ces réparations, et l'on eut recours à un nouvel emprunt.

Ce fut la table des riches qui fournit l'argent nécessaire : en 1807, on établit un droit sur la volaille et le gibier vendus au marché. Les travaux commencèrent et furent suivis avec persévérance. Des réparations importantes à l'hôtel de ville, d'autres non moins indispensables aux églises et au collége, la plantation de la promenade de la Bouloire des prêtres, la conservation du jardin de l'Arc, la réorganisation des hôpitaux, des écoles des pauvres, du bureau de charité, etc., occupèrent tous les instants de l'administration de M. Cocquerel.

L'âge et les infirmités l'ayant obligé à se démettre de ses fonctions, il fut remplacé, le 29 mai 1813, par M. de Fransures, ancien officier de marine, qui apporta dans l'exercice du pouvoir municipal les qualités de sa première profession ; ferme et résolu, il allait droit au but, sans se laisser décourager par les tracasseries et les ennuis inséparables du poste qu'il occupait.

Pendant toute la durée de l'empire, Montdidier ne fut le théâtre d'aucun événement important, mais les désastres qui signalèrent la fin du règne de Napoléon firent chèrement expier la tranquillité dont on avait joui depuis plusieurs années.

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