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Histoire de Montdidier
Livre II - Chapitre III - § II - Section V

par Victor de Beauvillé

§ II

Section V

Revenus municipaux

Mode de compter le commencement de l'année

Sceau et armes de la commune

 

Les revenus de la ville consistaient dans le produit des amendes et confiscations, dans les droits de tonnelieu, travers, marché, forage, afforage, etc. ; auxquels il faut ajouter des cens sur des maisons et héritages, la location du moulin neuf et des fermages d'immeubles ; ces derniers allèrent toujours en diminuant. A la fin du siècle dernier, les biens-fonds de la commune étaient réduits à peu de chose, cependant on serait encore très-heureux de les posséder aujourd'hui ; voici le relevé des recettes et des dépenses municipales à diverses époques :

Recette. Dépense.
1402.  .  .  .  .  .  .  . 868livre 13s 11d         1060livre 19s    
1564.  .  .  .  .  .  .  . 1760livre 7s 6d   1314livre 13s 8d
1679.  .  .  .  .  .  .  . 1533livre   8d   1295livre 3s 4d
1722.  .  .  .  .  .  .  . 2815livre       2632livre 12s 6d
1788.  .  .  .  .  .  .  . 5478livre 1s 4d   5273livre 16s 10d
1802.  .  .  .  .  .  .  . 3527f   92c     4505f   5c  
1820.  .  .  .  .  .  .  . 7232f   7c     4572f   7c  
1827.  .  .  .  .  .  .  . 14452f   55c     15604f   28c  
1840.  .  .  .  .  .  .  . 22169f   15c     19603f   8c  
1850.  .  .  .  .  .  .  . 28567f   10c     27026f   72c   (Pièce just. 78.)

Les droits de marchés figurent dans les recettes pour 6,002 fr. ; les prestations, pour 3,000 fr., et l'octroi, pour 7,000 francs. Les prestations ont été établies en 1846 ; elles pèsent plus particulièrement, c'est triste à dire, sur les cultivateurs, les jardiniers, enfin sur toute la partie active et laborieuse de la population. Il n'y a d'octroi que celui qui frappe les boissons ; la recette se faisant par les agents des contributions indirectes, la ville est ainsi dispensée d'entretenir un personnel nombreux qui absorberait une partie du revenu. En 1848, on proposa de mettre un droit d'entrée sur différents objets ; cette motion souleva une vive répulsion, et il s'ensuivit une certaine fermentation ; convenablement employés, les revenus municipaux sont suffisants ; mais il faut être économe, et ne pas s'endetter sans prévision de l'avenir.

Les actes qui émanaient de la mairie étaient scellés du sceau de la ville, et datés conformément au mode de compter usité à Montdidier. Jusqu'en 1563, l'usage général en France était de commencer l'année à Pâques, mais à Montdidier l'année s'ouvrait le 25 mars. Pour indiquer que dans notre ville l'année était déjà commencée, on insérait en tête des actes la formule suivante : Incarnation renouvelée avant Pâques. La fête de l'Annonciation s'appelait anciennement fête de l'Incarnation. D. Grenier, dans son Introduction à l'histoire générale de la province de Picardie, p. 162, cite plusieurs exemples de la manière de compter suivie à Montdidier.

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L'ancien sceau de la commune représentait, sur la face principale, un homme à cheval, l'épée à la main, et au revers un mouton surmonté d'une croix. Selon de la Villette, Commentaire sur la Coutume, p. 5, ce cavalier ne serait rien moins que Didier, roi des Lombards, dont la ville auroit toujours retenu le portrait dans ses armes. Une pareille opinion n'a pas besoin d'être réfutée ; seulement de la Villette aurait bien dû nous apprendre pourquoi la ville avait abandonné ce royal blason. Il faut, pour ainsi dire, renoncer à trouver des pièces scellées du premier sceau de la mairie ; en 1686, il n'existait qu'un seul titre à l'Hôtel-Dieu, sur lequel ce sceau fût conservé, c'était le testament fait en 1216 au profit de cette maison, par Renaud Quovadis, avant son départ pour la Terre Sainte ; encore l'empreinte était-elle tellement oblitérée qu'il était impossible de lire l'inscription. Nous avons obtenu aux Archives nationales communication d'une pièce scellée du premier sceau de Montdidier : ce sceau, dont nous offrons la reproduction, est de 1303 ; il est en cire brune, appliquée sur une queue de parchemin pendante au bas de l'acte d'adhésion donné par la ville à Philippe le Bel lors de ses démêlés avec Boniface VIII. M. Taylor, dans son Voyage dans l'ancienne France, Picardie, tome II, avance à tort que les armes actuelles de Montdidier, la tour et les fleurs de lis, lui ont été accordées par Philippe-Auguste ; ce n'est que cent ans environ après la mort de ce prince qu'on les voit apparaître. Le cavalier, dans le sceau de 1303, a l'air d'un squelette : tête, corps et jambes sont d'une maigreur incroyable ; le graveur ignorait les premiers éléments du dessin. Le cheval est un peu mieux rendu. Il ne reste que quelques lettres de l'inscription, mais il est facile de la rétablir dans son entier ; elle était ainsi conçue :

X sigillum philippi comitis flandrie

Le contre-scel est presque intact et représente un Agnus Dei, mais le cachet a laissé une empreinte si légère que l'on devine plutôt qu'on ne lit une partie de l'inscription ; après l'avoir examinée avec la plus, grande attention, nous l'avons fait voir à des connaisseurs qui ont cru distinguer :

scel dou secret de le ville de mondidier.

Le sceau de la commune changea dans les premières années du quatorzième siècle. En 1308, la ville envoya deux députés à Tours pour s'occuper de l'affaire des Templiers : leur acte de nomination, déposé aux Archives nationales et scellé du sceau de l'échevinage, représente une tour maçonnée, ou plutôt une porte de ville avec sa herse et ses créneaux, surmontée d'un donjon qu'accompagnent deux fleurs de lis ; ce sceau est en si mauvais état qu'on ne peut rien reconnaître aux quelques accessoires qui s'y trouvent ; on ne distingue que ces lettres X S..... COMVNIE..... IER. Pas de contre-scel. Sous Philippe le Bel, la ville a commencé à porter les armes qu'elle possède actuellement : elles ont peu varié depuis son règne ; celles que nous avons fait dessiner et autour desquelles on lit la devise SEL A CAUSES DE LA COMUNE DE MONDIDIER, étaient en usage au seizième siècle ; elles figurent sur la cloche de l'hôtel de ville, fondue en 1527.

Dans le dix-septième siècle on supprima le donjon, et la ville portait simplement : Une tour d'argent maçonnée de sable sur un fond d'azur semé de sept fleurs de lis d'or, trois de chaque côté et une coupée mi-partie en pointe et en tête de l'écu. Dans le siècle dernier, on se rapprocha davantage des armes anciennes, et la tour d'argent maçonnée de sable fut surmontée d'un donjon de même. Ce sont ces diverses armoiries qui sont gravées sur la planche jointe à cet ouvrage.

Un chroniqueur montdidérien, non moins jaloux que de la Villette de l'honneur de notre cité, a prétendu que la tour formant les armes de Montdidier étoit sans doute pour nous ramentevoir souvent la malheureuse destinée du roy Didier. Le nombre des fleurs de lis n'est pas indifférent, et c'est à tort que l'on désigne simplement le fond de l'écu montdidérien comme étant d'azur, semé de fleurs de lis d'or, sans en énoncer la quantité. Suivant le même chroniqueur, le nombre déterminé de sept fleurs de lis aurait une grande importance, le nombre septenaire signant le nombre parfait, comme celui aussi de l'infinité, toutes les choses qui semblent prendre leur source et leur origine de la Divinité tenant ordinairement du septenaire. Nous ferons grâce au lecteur de l'énumération de toutes les citations bibliques et historiques sur lesquelles s'appuie notre compatriote pour établir son opinion relativement à la puissance du nombre sept ; bornons-nous à dire qu'il remonte aux sept jours de la création : Ab uno disce omnes.

A la fin de son règne, la pénurie du trésor engagea Louis XIV à ordonner une vérification générale des nobles du royaume ; ceux qui avaient droit d'avoir des armes durent payer une somme destinée a augmenter les finances de l'État. A cette époque on modifia un grand nombre d'armoiries ; le travail, en ce qui concernait la Picardie, fut exécuté en 1697, sous la direction de d'Hozier ; les armes nouvelles accordées à la ville étaient : d'or, à un sautoir de sinople chargé en cœur d'une merlette d'argent. Hâtons-nous d'ajouter qu'il ne fut pas donné suite a cette innovation malheureuse, et la ville continua de porter les armes qu'elle avait illustrées dans maints combats.

La République supprima les attributs nobiliaires, et remplaça notre vieille tour et ses fleurs de lis par un emblème unique appliqué à toutes les villes de France. Le sceau de la mairie représentait une femme debout, appuyée sur un faisceau, tenant de la main gauche une lance surmontée d'un bonnet de liberté, avec cette inscription : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE. COMMUNE DE MONTDIDIER. DÉPARTEMENT DE LA SOMME.

Sous l'Empire, les armes de la ville étaient une aigle couronnée, aux ailes éployées, et pour légende : MAIRIE DE MONTDIDIER. SOMME. Pendant la Restauration, la ville reprit son ancien écusson ; la révolution de Juillet le lui ravit de nouveau ; une double feuille de chêne avec le mot MAIRIE au milieu, et à l'entour MONTDIDIER. SOMME. servit et sert encore de sceau à la commune ; il serait bien temps d'en finir avec ces variations. Croit on, en effaçant les fleurs de lis, en faire disparaître le souvenir ? Elles sont liées d'une manière indissoluble à l'histoire de France, et il n'est pas plus possible de les faire oublier que de rayer des annales de notre pays les victoires de Bouvines, de Marignan et de Fontenoy.

On ignore les motifs qui décidèrent la ville à délaisser ses premières armes pour adopter une tour. Le cavalier était un emblème fort usité aux douzième et treizième siècles : dans une liasse de pièces conservée aux Archives nationales, et contenant le serment prêté en 1228 à Louis IX par différentes communes de Picardie, nous voyons que plusieurs cités, Roye entre autres, avaient à cette époque un cavalier pour armes ; la ville de Roye a depuis quitté ces armoiries pour prendre celles de la famille de Roye : de gueules, à la bande d'argent. Ce changement se comprend. Les seigneurs de Roye étaient assez puissants pour imposer leurs armes à la ville dont ils portaient le nom ; mais à Montdidier rien de semblable ne put avoir lieu : les seigneurs de la Tournelle, dont quelques personnes croient sans fondement que la ville a pris les armes, n'avaient plus aucun pouvoir dans notre cité en 1308, époque à laquelle s'opéra une transformation complète dans notre blason. En 1289, Jean de la Tournelle avait vendu aux habitants tous les droits qu'il possédait dans la ville et la banlieue : comment supposer que, vingt ans après, la commune aurait adopté pour armoiries celles d'un seigneur devenu étranger à notre pays ? D'ailleurs les couleurs de la famille de la Tournelle étaient différentes de celles de Montdidier. La Tournelle portait : d'or, à cinq tourelles d'azur posées en sautoir. Plusieurs personnages de cette famille ne portaient qu'une simple tour, ayant, il est vrai, assez de ressemblance avec celle qui fut adoptée par la ville de 1303 à 1308 (Voir le sceau de Guillaume de la Tournelle en 1220, liv. IV, chap. ii) ; mais l'on aurait tort d'en conclure que Montdidier avait pris les armes appartenant à la branche cadette d'une famille désormais sans autorité ; rien ne justifie une pareille supposition.

Si nous ne pouvons expliquer l'origine de nos armoiries, ayons au moins le bon sens de les conserver et de ne pas les défigurer sottement.

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