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Histoire de Montdidier
Livre II - Chapitre V - § I - Section II

par Victor de Beauvillé

Section II

Revenus

Le collége est supprimé et rétabli au Prieuré

Les Pères de la Foi en prennent la direction

Leur suppression

 

Dans les revenus du collége figurait une rente de 50 livres, léguée par Antoine de Saveuse, prieur de Montdidier, à prendre sur la terre du Cardonnoy, qui lui appartenait, à la charge d'un obit le jour de son décès ; il laissa en outre 50 liv. de rente au principal qui devait assister au service avec ses élèves. Par testament du 3 avril 1635, Jeanne Dufour, veuve de François de la Morlière, conseiller en l'élection, donna au collége douze journaux de terre à Fécamps, affermés, en dernier lieu, vingt-quatre setiers. Le 22 octobre 1639, Pierre Bosquillon de l'Étoile, propriétaire d'un fief qui consistait clans le simple droit de nomination à une chapelle dite de sainte Marie-Madeleine dans l'église paroissiale de Guerbigny, en fit don aux maïeur et échevins, à la condition de ne pouvoir nommer à cette chapelle que le principal du collége, lequel serait privé de ce bénéfice s'il quittait ses fonctions ; aussi était-ce par une dérogation exceptionnelle que Bon de Merbes, après sa démission, fut maintenu dans la jouissance de ce bénéfice. Les immeubles qui en dépendaient comprenaient vingt-trois journaux de terre en deux pièces sises à Beaufort, affermées soixante-trois setiers de blé. La chapelle de la Madeleine avait été fondée dans le quinzième siècle. Par testament du 26 février 1475, Pierre Noiret, demeurant à Guerbigny, veut et ordonne que son corps soit mis en sépulture dedans l'église de Saint-Pierre de Guerbigny, son patron, dans la chapelle de la Madeleine qu'il a fait faire en ycelle. Entre autres donations, il lui laissa dix-huit journaux de terre a Beaufort.

Après la suppression du couvent des sœurs de Saint-François de Montdidier (1768), l'évêque d'Amiens partagea les biens qui en provenaient entre l'hôpital, le couvent des Ursulines et le collége ; ce dernier établisse nient obtint une rente de 332 liv. 10 deniers, au principal de 13,300 liv., sur les rentes et gabelles, ce qui permit d'avoir le second maître. D'après le traité fait avec les Bénédictins, en 1680, on devait apprendre le grec et le latin, mais à la fin du siècle dernier cette dernière langue était seule enseignée.

Le collége de Montdidier ne s'éleva jamais au-dessus du niveau d'une école latine, nom qui lui convenait parfaitement ; la ville était hors d'état de s'imposer des sacrifices pour lui donner de plus grands développements. Un généreux citoyen résolut d'exécuter à ses frais ce que sa patrie ne pouvait entreprendre: combien il est regrettable que son dessein n'ait pu se réaliser ! Antoine Boullé, de Montdidier, greffier en chef de la cour des monnaies à Paris, institua, par son testament du 27 octobre 1657, les prêtres de l'Oratoire, et, à leur défaut, les pères de la Doctrine chrétienne, pour ses légataires universels, à la charge de s'établir à Montdidier, et d'y fonder un collége composé de quatre ou cinq régents. Dans le cas où les donataires n'accepteraient pas cette condition, le petit collége alors existant serait mis en possession de sa succession ; les professeurs devaient être renouvelés tous les trois ans et nommés à la pluralité des voix par les curés de Saint-Pierre et du Saint-Sépulcre, les officiers du bailliage, ceux de la prévôté et du grenier à sel, ainsi que par les maïeur et échevins. La succession s'élevait à 1,000 liv., somme considérable pour l'époque : on espérait avoir de 90 à 100,000 liv. pour le collége ; mais la chicane vint se jeter à la traverse, et il y eut des procès sans fin. Les Oratoriens effrayés répudièrent le legs ; en 1664, les pères de la Doctrine chrétienne, subrogés à ceux de l'Oratoire, essayèrent de le recueillir, et finirent aussi par y renoncer (1668). Les maïeur et échevins, intéressés plus que tous à l'établissement du collége, s'étaient joints successivement aux uns et aux autres ; après le refus des premiers légataires, ils prirent leur place, et plaidèrent pour défendre les droits de la ville ; mais la succession était tellement embarrassée qu'ils durent se désister comme leurs devanciers, et, après douze ans de peines, de fatigues et de dépenses, ils furent contraints d'abandonner complétement cette succession si magnifique d'espérances, si décevante dans ses résultats.

Les revenus du collége disparurent à la Révolution, et la maison eut le sort de tous les établissements dirigés par des ecclésiastiques : elle fut fermée. Lorsque la tempête fut passée, le collége rouvrit, sous la direction de l'abbé Lamar, ecclésiastique fort instruit (Pièce just. 81). Le prieuré de Notre-Dame étant inoccupé depuis la suppression du district, le directeur du collége abandonna l'ancien local, et s'établit dans les bâtiments des Bénédictins. Le décret qui assurait au collége de notre ville une existence légale est daté des bords du Rhin.

« Au palais de Mayence , le 3 vendémiaire an xiii (25 septembre 1804).

« Napoléon, empereur des Français ;

Sur le rapport du ministre des finances et de l'intérieur, décrète ce qui suit :

ARTICLE Ier.

La commune de Montdidier, département de la Somme, est autorisée à établir une école secondaire dans les bâtiments du ci-devant couvent « des Bénédictins et ses dépendances, qui lui sont concédés à cet effet

ART. II.

Cette autorisation est accordée à cette commune à la charge par elle de remplir les conditions prescrites par les arrêtés du 30 frimaire an xi et 19 vendémiaire an xii.

ART. III.

Les ministres des finances et de l'intérieur sont chargés du présent décret.

Signé : Napoléon.

Par l'empereur, le secrétaire d'État, H. Maret.

Le ministre des finances, Gaudin. »

L'arrêté du 30 frimaire, dont il est parlé, mettait à la charge des communes les frais de réparation et d'entretien, ainsi que ceux de premier établissement et d'instruction ; l'arrêté du 19 vendémiaire avait rapport à la formation du bureau d'administration : ce fut à la suite de ce décret que l'abbé Lamar s'installa au Prieuré.

Mais la direction d'un collége était un lourd fardeau pour son âge, et il s'en démit sans regret en faveur de successeurs plus jeunes et plus actifs. Une compagnie célèbre jeta les yeux sur le collége de Montdidier, et y vit tous les éléments possibles de prospérité. Au mois de juillet 1806, les Pères de la Foi, qui devaient peu d'années après se fondre avec les Jésuites, dont ils étaient en quelque sorte les représentants, arrivèrent à Montdidier.

Le 5 août, les PP. Sellier et Leblanc amenèrent d'Amiens les jeunes gens qui composaient leur pensionnat du faubourg Noyon, et le 25 du même mois ils débutèrent par une distribution solennelle des prix, dans laquelle ils frappèrent les yeux par une pompe et un déploiement de magnificence inaccoutumés. Le résultat qu'ils espéraient fut atteint. Les élèves affluèrent de toutes parts, et les bâtiments du Prieuré devinrent bientôt trop étroits pour les contenir : une partie des jeunes gens était logée sur la place du Marché-aux-Vaches, dans une ancienne auberge dite le Pot-d'Étain, qui occupe le côté méridional de cette place ; tous les jours ils se rendaient au Prieuré, et prenaient leurs leçons en commun avec leurs condisciples. La ville profitait de la prospérité du collége, laquelle malheureusement ne fut pas de longue durée. Un décret du mois de novembre 1807 ayant ordonné la suppression des colléges tenus par les Pères de la Foi, celui de Montdidier fut confié par les supérieurs à deux prêtres de Beauvais ; en 1809, le P. Sellier obtint la faveur d'en reprendre la direction.

Les rapports de l'empereur avec le pape étant devenus de plus en plus difficiles, les Pères de la Foi, restés à Montdidier, furent l'objet de persécutions dirigées surtout contre le P. Druilhet, qui était lié avec M. d'Astros, vicaire général du diocèse de Paris. Des gendarmes cernèrent le collége, afin de s'assurer de sa personne ; prévenu à temps, il parvint à s'échapper : la gendarmerie fut envoyée à sa rencontre pour l'arrêter à son retour de Paris, mais on lui donna avis de ce qui se passait, et il évita le sort dont il était menacé. C'est ainsi qu'on entendait la liberté sous l'Empire : les Jésuites, ou ceux que l'on qualifiait tels, n'avaient d'autre tort que de ne pas être les serviles instruments du despotisme, et de désapprouver le traitement indigne qu'on faisait subir au vénérable Pie VII.

Hâtons-nous de le dire, les fonctionnaires chargés de faire exécuter les ordres de l'empereur, le sous-préfet et le procureur impérial, étaient les premiers à les blâmer ; ils sauvèrent les apparences en facilitant sous main l'évasion des professeurs du collége ; plus sages que leur souverain, c'est à leur amour éclairé de la liberté, à la noblesse et à la générosité de leur caractère, que des hommes dévoués à l'enseignement durent de ne pas être arrêtés par des gendarmes, jetés en prison, et confondus avec des malfaiteurs.

Le P. Sellier ne tarda pas à être l'objet de nouvelles tracasseries, et la fermeture du collége fut ordonnée une seconde fois. Les personnes marquantes de la ville réclamèrent inutilement, il fallut se soumettre, et les Pères de la Foi quittèrent le collége le 6 décembre 1812 ; il y avait alors deux cent cinquante élèves. Le P. Sellier avait cherché un successeur dans la personne de M. Corbie, son ancien associé dans une maison d'éducation à Amiens, mais l'établissement ne put se soutenir et ferma presque aussitôt. Pendant plusieurs années, les jeunes gens qui voulaient faire leurs études furent forcés d'aller chercher au dehors une instruction qu'ils ne pouvaient recevoir dans le pays. Cet état de choses, si nuisible à l'intérêt général, continua jusqu'en 1818 : cette année, le supérieur du grand séminaire d'Amiens offrit de prendre à bail pour douze ans, moyennant un loyer annuel de 1,000 fr., et 3,000 fr. qu'il s'engageait à y dépenser, les bâtiments du Prieuré, à l'effet d'y établir un pensionnat sous la surveillance de l'Université.

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