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Histoire de Montdidier
Livre II - Pièce justificative 81

par Victor de Beauvillé

Pièce justificative 81

Notice sur l'abbé Lamar, supérieur du collége de Montdidier.

M. Lamar, né à Villers Bretonneux , était curé d'Étinhen en 1790 ; il refusa de prêter serment à la constitution civile du clergé, et se mit à rédiger, en 1791-1792, un journal périodique intitulé : Les loisirs d'un curé déplacé, ou les actes de l'Église constitutionnelle. Dans ce journal, qui paraissait sous forme de brochure in-8°, les 10, 20 et 30 de chaque mois (Paris, Guerbart), l'abbé Lamar attaquait avec une vivacité extrême les révolutionnaires et les prêtres assermentés. M. Desbois de Rochefort, évêque d'Amiens, n'était pas épargné. Enfermé à l'Abbaye lors des massacres de septembre, il eut le bonheur, pendant que les égorgeurs étaient occupés en bas, de pouvoir monter à l'étage supérieur et de s'échapper par une fenêtre ; il fit une chute et perdit connaissance. Revenu à lui, il parvint à sortir de Paris ; la nuit le surprit en rase campagne. Apercevant une lumière dans le lointain, l'abbé Lamar se dirige vers la maison où elle brillait, et frappe à la porte : une femme vient ouvrir, et reste étonnée en le voyant : Mais vous êtes un prêtre, lui dit-elle, et mon mari est en de ceux qui en font le massacre : que faire de vous ? Faites ce qu'il vous plaira, répondit-il ; mais je ne peux aller plus loin. Cette femme, touchée de compassion, le cacha dans un grand coffre. Peu de temps après le mari rentra ; remarquant l'émotion de sa femme : Il y a du nouveau ici : dis-moi de suite quoi ! Elle de lui révéler la vérité ; il ouvrit le coffre, et, y trouvant l'abbé Lamar : Que fais-tu là, scélérat ?Monsieur, je suis entre vos mains : faites ce qu'il vous plaira de moi. Je vous demande grâce, car quand vous m'aurez donné la mort vous n'en serez pas mieux. Un éclair de compassion traversa le cœur du bandit, et, tendant un morceau de pain à celui que Dieu protégeait visiblement : Sors d'ici, tiens, mange, dit-il ; je ne saurais que faire de toi ; et, appelant un charretier, il lui fit prendre M. Lamar dans sa voiture et le déposer dans la plaine à l'aventure. Ainsi échappé par miracle deux fois à la mort dans un jour, M. Lamar revint dans son pays ; il se livra secrètement au saint ministère, portant, au risque de se faire arrêter et déporter, les consolations de la religion à de pieuses familles. Lorsque le calme se rétablit, il vint à Montdidier, où il prit la direction du collége. L'abbé Lamar faisait des chansons, des fables ; il en fit imprimer deux pour la distribution des prix eu 1803. La nature de son talent le portait plutôt vers la satire. Il était sujet à de grandes distractions. Plus d'une fois, dans le cours de ses visites, il lui arriva d'oublier qu'il n'était pas chez lui et de rester indéfiniment ; on le laissait : la nuit venue, croyant que c'était lui qui recevait les visiteurs : C'est insupportable. disait-il, on n'est pas plus indiscret : empêcher les gens de se coucher ! L'abbé Lamar mourut vicaire de Saint-Pierre, le 24 mai 1813 ; il était âgé de soixante-neuf ans.

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