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Histoire de Montdidier
Livre III - Chapitre VI - Section I

par Victor de Beauvillé

Section I

La ville de Montdidier fit, comme nous l'avons vu, partie du bailliage de Vermandois jusqu'en 1418 ; à cette époque, elle fut cédée, par Charles VI, ainsi que Péronne et Roye, au comte de Charolois, pour sûreté de la dot de sa femme, Michelle de France. (Pièce just. 26.) Ces trois villes formèrent dès lors un gouvernement séparé, placé sous l'autorité d'un gouverneur général, qui plus tard joignit à ce titre celui de grand bailli ou bailli d'épée ; mais ce dernier titre, avons-nous dit, était purement honorifique, car il était formellement interdit aux gouverneurs généraux de se mêler d'aucune affaire judiciaire.

Le gouverneur général ne relevait que du roi ; Louis de Halluin, seigneur de Piennes, ayant été nommé en 1512 gouverneur de Picardie, conserva avec ses nouvelles fonctions celles de gouverneur de Péronne, Montdidier et Roye, dont il était précédemment investi. Après lui, ses successeurs dans le gouvernement de la province voulurent également donner des ordres dans les trois villes ; mais nos gouverneurs généraux résistèrent à cette prétention, et refusèrent d'obéir. Pour mettre fin à ce conflit, Charles IX décida formellement que le gouvernement des trois villes serait distinct de celui de Picardie, et il autorisa le gouverneur général à ne recevoir d'ordres que de lui ou de son lieutenant général dans le royaume. Voici les lettres patentes du roi :

« Charles, par la grâce de Dieu roy de France, à tous ceulx qui ces presentes lettres verront, salut. Comme par l'institution et département des charges et gouvernement des provinces de rostre royaume, le gouvernement de Péronne, Montdidier et Roye pour l'étendue d'icelluy ait toujours esté à part sans que les gouverneurs et nos lieutenants y proposés et establis ayent recogneu en icelluy autre personne que nous, ou nostre lieutenant général représentant nostre personne par tous nos royaulme, terres et seigneuries de nostre obéissance ayant joy et usé des mesmes honneurs, authorités, droits et prééminence que les gouverneurs et nos lieutenants généraulx en nos contrées, pays, provinces, jusqu'à ce que le deffunt seigneur de Piennes qui avoit ledit gouvernement de Péronne, fut pourveu de l'estat du gouverneur et nostre lieutenant général en nostre pays de Picardie, qui pendant son vivant l'a toujours tenu avec celui dudict pays de Picardie, au moyen de quoi depuis son trespas, les gouverneurs et nos lieutenants généraulx, en icelluy pays de Picardie auroient toujours pretendu et prétendent encore de présent une prééminence sur ledict gouvernement et pour ce que estant icelluy de l'étendue et importance qu'il soit à nostre service et à la conservation de nostre Estat et couronne, nous estimons bien raisonnable qu'il soit conservé en sa première institution et establissement. Sçavoir faisons, que nous ayant de ce conféré avec la royne nostre très-chère et honorée dame et mère, princes de nostre sang et autres seigneurs et grans personnages de nostre conseil privé estans lez nous, avons par l'advis d'iceulx, dit, déclaré, voulu et ordonné, disons, déclarons, voulons et ordonnons par ces présentes, que ledict gouverneur de Péronne, Montdidier et Roye suivant sa dicte première institution et establissement soit et demeure à part, sans que nostre amé et féal le seigneur de Humières, chevalier de nostre ordre qui est proposé audict gouvernement ni ses successeurs audict Estat recognoiscent et soient tenus recognoistre autre personne que nous ou nostre lieutenant général, représentant nostre dicte personne par tout nostre royaulme, pays, terres et seigneuries de nostre obéissance pour leur commander, et au cas que l'on voulust prétendre qu'il fust uny et incorporé avec ledict gouvernement de Picardie, nous de nostre certaine science, plaine puissance et authorité royale et en tant que besoing est ou seroit pour les causes susdites et autres grandes considérations à ce nous mouvans l'avons désuny et disjoint, desunissons et disjoignons d'avec icelluy gouvernement de Picardie par ces dictes présentes, sans qu'à l'avenir il y puisse estre dict uny et incorporé quelque provisions qu'ils en ayent et soient cy après expédiées, voulons que de par nous ils y commandent et ordonnent sur ce qu'ils jugeront estre à faire pour nostre service et le bien de nostre Estat et couronne, et qu'ils jouissent des mesmes honneurs, authorités, prérogatives, prééminences et libertés dont ont joy leurs prédécesseurs proposés audict gouvernement. Si donnons en mandement à nos amés et féaulx les gens tenans nos cours de parlement, baillifs, séneschaux, prévost ou leur lieutenans et à tous nos autres justiciers, officiers et subjets qu'il appartiendra que de nos présentes déclarations, vouloir et intention et de tout le contenu cy-dessus ils facent, soufrent, laissent ledict sieur de Humières et ses successeurs aud. gouvernement de Peronne, Montdidier et Roye joyr et user plainement et paisiblement, cessant et faisant cesser tous troubles et empeschement au contraire, lesquels sy faict mis ou donnez leur estoit, faire oster, reparer et remettre au premier estat et deub car tel est notre plaisir. En tesmoing de ce nous avons faict mettre nostre scel à ces dictes présentes, donné à Paris le quatrième jour de febvrier l'an de grace mil cinq cens soixante huit et de nostre regne le huitiesme. Charles. Et sur le reply, par le roy, la royne sa mère présente ; de Neufville. Enregistré, ouy et consentant le procureur général du roy à Paris en parlement le XVIIme jour de febvrier, l'an 1568, du Tillet. »

La séparation de Péronne, Montdidier et Roye du gouvernement de Picardie fut confirmée en 1594 ; l'article 2 du traité conclu cette année avec Henri IV, porte : Que ledit gouvernement reste séparé comme de tout temps de celui de la Picardie, ni qu'il soit tenu de reconnoître audit gouvernement autre que son roy et naturel prince. Le gouverneur général était le personnage le plus élevé des trois villes ; dans les assemblées de la province il avait la préséance sur tous les autres gouverneurs ; celui de Calais ayant voulu, en 1623, lui disputer le pas, le connétable de Lesdiguières, gouverneur de Picardie, après avoir pris conseil, l'obligea de renoncer à cette prétention.

Le gouvernement des trois villes fut indépendant de celui de Picardie, jusqu'en 1636 ; Potier de Gesvres, qui en jouissait, ayant donné sa démission cette année-là, le roi investit de la charge de gouverneur général Charles de Monchy, marquis d'Hocquincourt, pour la tenir, portent ses lettres de provision, et exercer sous nostre autorité et celle du gouverneur et rostre lieutenant général en nostre province de Picardie, ce qui s'est constamment observé depuis.

Si le gouverneur de Picardie avait autorité dans les trois villes, il n'en était pas de même des lieutenants de roi dans la province ; ils ne pouvaient exercer aucun commandement dans l'étendue de notre gouvernement. La place de gouverneur général fut toujours occupée par des personnes appartenant aux grandes familles du royaume ; Péronne, comme ville frontière et la mieux fortifiée, était le chef-lieu militaire, la résidence du gouverneur ; Roye et Montdidier avaient chacun un capitaine particulier ; le gouvernement des trois villes comprenait, en 1789, une population de deux cent mille âmes environ. Lorsque le gouverneur général faisait son entrée à Montdidier, on lui faisait présent d'une pièce de vin, de douze perdreaux, douze chapons et douze lapins.

Le gouverneur particulier ou capitaine, car, pendant fort longtemps, ce dernier nom seul fut usité, était le premier fonctionnaire militaire de la ville. Ses appointements ne répondaient pas à l'importance de sa place ; dans les quinzième et seizième siècles, ils ne s'élevaient qu'à 32 liv. par an ; dans le siècle dernier, ils montaient à 600 livres. A partir du règne de Louis XIV, la place de capitaine fut une véritable sinécure ; les titulaires passaient des années entières sans venir à Montdidier ; quelques-uns avaient pour les remplacer un officier qui prenait le titre de lieutenant de roi, mais cette fonction ne fut que temporaire. Un arrêt du conseil, du 7 juillet 1682, règle les rapports qui existaient entre le gouverneur particulier et les maïeur et échevins. Dans les cérémonies, il tenait la droite du lieutenant général au bailliage ; quand le conseil de ville s'assemblait, l'un des échevins ou un syndic devait en prévenir le gouverneur, qui ne pouvait néanmoins ni assister à la réunion ni l'empêcher ; lors des réjouissances publiques, les bourgeois et artisans ne prenaient les armes qu'avec sa permission ; après leur élection, les maïeur et échevins étaient tenus de lui rendre visite ; il en était de même lorsque le gouverneur revenait à Montdidier après une absence de six mois.

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