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Histoire de Montdidier
Livre IV - Chapitre II - Section II

par Victor de Beauvillé

BEJOT (François), naquit à Montdidier, le 14 septembre 1718, de Pierre Bejot, marchand de fer, et de Marguerite-Françoise Wallet : il était, par sa mère, cousin germain du P. Daire. Bejot commença ses études au collége de Montdidier, et les acheva à Paris, au collége Mazarin, où il remporta de brillants succès. Revenu à l'âge de dix-huit ans chez ses parents, ceux-ci le destinèrent à l'état ecclésiastique, et le pressèrent de prendre l'habit religieux. Bejot céda à leurs instances ; mais, de retour à Paris, il laissa la théologie pour s'occuper exclusivement de littérature. Sa famille, mécontente de ce changement, lui refusa tout secours. Heureusement il trouva des personnes, notamment Claude Capperonnier, son parent, qui s'intéressèrent à sa position, et lui procurèrent des répétitions de langue grecque, dont il avait une connaissance approfondie. Le succès dépassa les espérances de ses protecteurs, et autour d'un maître de vingt ans vinrent se grouper une foule d'élèves dont le nom devait illustrer un jour l'école où ils s'étaient formés.

Bejot partageait son temps entre l'étude et l'enseignement, lorsqu'en 1741 il fut nommé commis en second à la Bibliothèque du roi, département des imprimés ; il s'adonna à ses nouvelles fonctions avec ardeur, et prit une part très-active à la composition des volumes du catalogue qui parurent en 1744. L'abbé Sallier, garde des imprimés, étant mort en 1 761 et ayant eu pour successeur Jean Capperonnier, alors garde des manuscrits, Bejot, après vingt ans de travaux assidus, obtint la place que ce dernier laissait vacante. En 1762, il fut élu membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, et presque aussitôt chargé de la chaire d'éloquence latine au Collége de France, en qualité de suppléant de l'abbé de la Bléterie.

L'emploi de bibliothécaire absorbait presque tous ses moments. Pendant quarante-cinq ans qu'il fut attaché à la Bibliothèque du roi, il enrichit cet établissement d'un grand nombre de volumes précieux par leur rareté ou par l'importance des matières qu'ils renferment. C'est en partie à son zèle et à ses sollicitations réitérées qu'on doit l'agrandissement et les embellissements du local destiné aux manuscrits. Avant lui, les manuscrits, entassés sur des planches chancelantes et à demi pourries, disposés presque sans ordre dans des pièces qu'ils obstruaient, étaient perdus pour le public. Bejot sortait peu et vivait constamment au milieu des livres ; le 31 août 1787, il fut attaqué d'une colique violente, et succomba après douze heures de douleurs cruelles.

L'éloge de Bejot a été prononcé à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, en 1788, par Dacier, secrétaire perpétuel ; nous citerons le passage suivant, qui contient le portrait du bibliothécaire : « Établir l'ordre parmi ces milliers de volumes recueillis de toutes les contrées et écrits dans presque toutes les langues du monde ; l'y maintenir par des insertions et des transpositions continuelles rendues indispensables par chaque nouvelle acquisition ; faire des extraits de ce nombre infini d'ouvrages différents, pour en former un catalogue raisonné où les matières soient distribuées chacune dans sa classe, et mettre ainsi les savants de tous les pays en état de connaître ce que contient ce riche dépôt ; se livrer sans cesse pour eux à des recherches et à des vérifications longues et pénibles ; tenir chaque jour, pendant plusieurs heures, les portes de ce sanctuaire ouvertes au public ; diriger ceux qui entrent dans la carrière des lettres ; indiquer aux personnes plus instruites les sources qu'elles ignorent et où elles doivent puiser ; communiquer à tous les trésors dont on est dépositaire ; consacrer sa vie entière à des travaux utiles à la vérité, mais obscurs et fastidieux, où l'amour-propre le plus adroit ne trouve presque rien à gagner, et dont on ne peut retirer d'autre satisfaction que d'être utile aux lettres et à ceux qui les cultivent ; tels sont les devoirs d'un garde de manuscrits de la Bibliothèque du roi, tel doit être son dévouement.  Tel fut toujours aussi celui de M. Bejot. »

La lecture de Xénophon formait une des occupations habituelles de notre concitoyen ; il avait recueilli sur cet auteur de nombreux matériaux que son extrême timidité l'empêcha de mettre au jour. On n'a de lui que les deux opuscules suivants :

Mémoire dans lequel on examine quels étaient les Éparoëtes, lu dans l'assemblée publique du 12 novembre 1762. Mém. de l'Acad. des inscript. et bell.-lett., tome 32.

Remarques sur quelques endroits du texte de la Cyropédie de Xénophon. Mém. de l'Acad. des inscript. et bell. lett., tome 34.

Bejot a laissé quelques manuscrits qui furent déposés après sa mort à la Bibliothèque du roi, par Caussin de Perceval, son neveu et son successeur dans les fonctions de garde des manuscrits. Je n'ai pu obtenir communication de ces manuscrits, ni savoir ce qu'ils contiennent ; peut-être sont-ils égarés ; on m'a assuré qu'il n'y avait rien de Bejot à la Bibliothèque nationale, mais on sait le désordre et le peu d'obligeance qui y règnent : ce ne sont plus les Capperonnier, dont la complaisance était proverbiale, qui dirigent cet établissement.

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