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Histoire de Montdidier
Livre IV - Chapitre II - Section LII

par Victor de Beauvillé

MORLIÈRE (Adrien de la) naquit à Montdidier vers 1560. Il était fils de Raoul de la Morlière, receveur des aides, conseiller en l'élection, et d'Anne de Lattre. Claude de la Morlière, son aïeul, était également receveur des aides en l'élection de Péronne, Montdidier et Roye ; il mourut à Montdidier, sur la paroisse Saint-Pierre, le 16 septembre 1570 ; Perreine Caboche, sa femme, décéda en 1581. Henri III ayant établi un siége d'élection dans la ville de Montdidier au mois d'octobre 1575, Raoul de la Morlière, père de celui dont nous nous occupons, y fut le premier conseiller nommé, le 8 février 1576 : en 1578, il paraît en qualité d'échevin. Raoul mourut en 1580, et sa veuve en 1587, laissant quatre garçons et deux filles. Adrien, l'aîné de la famille, était, lors du décès de sa mère, le seul qui eût atteint sa majorité. Ses frères et ses sœurs furent placés sous la tutelle de leur oncle maternel, Louis de Lattre, préchantre et chanoine de la cathédrale d'Amiens, auquel notre compatriote a adressé un sonnet, dans ses Antiquités de la ville d'Amiens. Louis de Lattre étant mort en 1591, Adrien de la Morlière fut, l'année suivante, pourvu d'un canonicat dans la cathédrale, probablement en remplacement de son oncle. Des trois frères de notre auteur, Claude s'établit dans le commerce à Amiens ; Raoul devint chapelain de la cathédrale, et se fit remarquer par sa piété ; Antoine acheta une charge de notaire à Montdidier ; Valentine, sa sœur, épousa, en premières noces, François Normant, de Montdidier, décédé en 1591 ; et en secondes noces, Jean Demaison, notaire et procureur fiscal de la ville ; Geneviève, son autre sœur, se maria avec Vallerand Pécoul, élu à Amiens. La famille de la Morlière s'éteignit rapidement ; Antoine n'eut qu'un fils, qui se fit Feuillant, et deux filles.

Les contemporains ne nous ont laissé aucun détail sur le premier historien de la Picardie ; sa vie s'écoula paisiblement sans doute entre l'étude et les devoirs de sa profession ; il mourut le 19 octobre 1639, à la suite de longues et perdurables maladies, qui l'empêchèrent de mettre la dernière main à son ouvrage. De la Morlière est enterré dans la cathédrale d'Amiens, dans la chapelle de Saint-Domice, appelée depuis chapelle de Saint-Éloi ; cette chapelle sert aujourd'hui de passage pour aller à la sacristie. Sur une plaque de marbre noir, scellée contre la muraille, on lit :

cy gist le corps de
vénérable et discret
maistre adrian DE
LAMORLIÈRE, prestre
chanoine de l'église
nostre-dame d'amyens,
qui a faict les antiquitez
de ceste ville et est
décédé le xixe. jour
d'octobre l'an mil. six
cent trente neuf.
priez dieu pour son ame.

L'épitaphe ne dit point quel âge avait de la Morlière au moment de son décès, mais il devait avoir soixante-dix-sept ans au moins, puisqu'il était majeur, c'est-à-dire âgé de vingt-cinq ans, en 1587, année de la mort de sa mère ; ce n'est donc pas sans raison que nous fixons vers 1560 l'époque de sa naissance.

De la Morlière était historien et versificateur ; il rimait des sonnets dont la lecture serait aujourd'hui une rude pénitence. Maître de la confrérie du Puy en 1618, il lui offrit un tableau qui fut placé sur un pilier vis-à-vis des fonts baptismaux. Au bas on remarquait ce quatrain :

Maître Adrien de la Morlière,
Humble chanoine de ce lieu,
Ce petit vœu offrit à Dieu
Par les mains de sa vierge mère.

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Mgr d'Orléans de la Motte ayant fait enlever les tableaux de la confrérie du Puy qui surchargeaient les piliers de la cathédrale, celui d'Adrien de la Morlière fut donné à l'abbaye du Gard. Mgr Mioland, dans son zèle éclairé pour le diocèse confié à ses soins, le fit reprendre et placer dans une des salles du palais épiscopal ; son successeur le relégua impitoyablement dans l'escalier de l'évêché : il est actuellement dans la sacristie de la cathédrale.

Sur le premier plan de ce tableau on voit le donateur à genoux, les mains jointes, devant un prie-Dieu recouvert de drap rouge ; les armoiries qui le décoraient ont été effacées. De la Morlière est représenté en costume de chanoine, et porte un surplis brodé autour du col et sur les épaules ; le bras droit passé dans une aumusse de linon. La figure est expressive, le front haut et découvert ; les cheveux sont ras et châtains, la barbe et la moustache de la couleur des cheveux. De la Morlière avait le nez gros, les yeux bleus, le visage plein, le teint coloré. Au-dessus de la place qu'occupaient les armoiries, on lit cette inscription : Vel fulva virescam. Le refrain qu'il avait pris pour sujet de sa ballade contient un jeu de mots comme on en taisait à cette époque ; il est reproduit sur le tableau, le voici :

Vierge qui vint la mort lier au monde.

De la Morlière portait : d'azur, au lierre d'or, au chef d'argent chargé de trois étoiles de sinople. C'est à ce lierre que fait allusion la devise : Vel fulva virescam. De la Morlière donne lui-même l'explication de ses armes. Antiquités de la ville d'Amiens, page 564 de l'édition in-4°, et la fait suivre de cette pièce de vers :

Me Bottas flatu, sterilique expalluit æstu
Syrius, ipsa gelu sternere certat hyems.
Mortua quid videor ? nunc, nunc vel fulva virescam,
Durando ecce redit qui meus ante color.
Expectanda dies, omnis fortuna ferendo
Vincitur, et vitam mors habet ipsa suam.

Un écrivain moderne fait, à propos des armoiries de de la Morlière, les réflexions suivantes : « L'amour de la patrie perce dans tous les écrits de notre chroniqueur ; il se compose des armoiries dans le genre de celles d'Amiens. Il y fait allusion à la malheureuse surprise de 1597, dont il fut témoin et dont il n'eut pas la force de raconter les circonstances. Le lierre d'argent de la cité est changé en or par lui, comme ayant été momentanément fané par la tempête ; mais les trois étoiles de sinople placées en chef donnent l'espoir qu'il reverdira ; ce qu'explique suffisamment la devise Vel fulva virescam et les vers :

Me Boreas flatu, etc. »

Si notre compatriote n'avait eu que le pauvre mérite d'aligner des distiques ou d'estropier des sonnets, son nom serait aussi inconnu que celui des rimailleurs de son temps ; mais, comme historien, il a droit à notre estime. Le premier il eût l'honneur de faire imprimer une histoire de la ville d'Amiens, et, malgré les deux siècles écoulés depuis sa publication, cet ouvrage est encore recherché ; les notices généalogiques qui se trouvent dans la dernière édition sont consultées avec fruit.

Antiquitéz et choses plus remarquables de la ville d'Amiens, dédié au roy, avec le catalogue des évesques, à monseigneur le reverendissime François le Fevre de Caumartin, évesque d'Amiens. Ensemble l'ordre et la suite des anciens maïeurs d'Amiens, accompagnez des anciens baillifs, en marge, par maistre Adrian de la Morlière, chanoine en l'église cathédrale d'Amiens. A Amiens, et se vendent à Paris, en la boutique de l'Angelier, chez Claude Cramoisy, au premier pillier de la grand'salle du Palais, MDCXXIV.

Petit in-8°, 3 feuillets préliminaires non chiffrés et deux tableaux présentant la généalogie des comtes d'Amiens, 146 pages de texte. Dans le même volume :

Catalogue des évesques d'Amiens, à monseigneur le reverendissime François le Fevre de Caumartin, évesque d'Amiens, par M. Adrian de la Morlière, chanoine de l'église cathédrale. A Amiens, de l'imprimerie de Jacques Hubault, imprimeur et libraire, demeurant devant le beau Puits.

Cent quarante-six pages, non compris le titre et la dédicace. Il n'y a ni table ni permis d'impression.

Le premier livre des antiquitez, histoires et choses plus remarquables de la ville d'Amiens, poetiquement traicté. Troisième édition dédiée au roy, par M. Adrian de la Morlière, chanoine de l'église Nostre-Dame d'Amiens. A Paris, chez Denys Moreau, rue Saint-Jacques, à la Salamandre, MDCXXVII.

In-4, 8 feuillets préliminaires non chiffrés ; 564 pages de texte et de sonnets, et 9 feuillets non chiffrés pour les fautes d'impression et la table.

Recueil de plusieurs nobles et illustres maisons vivantes et esteintes, en l'estendue du diocèse d'Amiens, et à l'environ des alliances et vertueux actes des seigneurs, et des abbayes, prieurés et églises collégiales par eux fondés. Ensuite des antiquitéz d'Amiens ; dédié à haut et puissant seigneur M. Monsieur Henry Louis d'Ailly, vidame d'Amiens ; par M. Adrian de la Morlière, chanoine de l'église cathédrale d'Amiens. A Amiens, Jacques Hubault, imprimeur et libraire, demeurant devant le beau Puits, MDCXXX, avec permission.

In-4°, 293 pages.

Les Antiquitéz, histoires et choses plus remarquables de la ville d'Amiens ; troisième édition, dédiée au roy, par M. Adrian de la Morlière, chanoine de l'église Nostre-Dame d'Amiens. Paris, Sébastien Cramoisy, MDCXLII.

In-folio, 8 feuillets préliminaires non chiffrés, 409 pages de texte et 4 feuillets non chiffrés pour la table. Dans le même volume :

Recueil de plusieurs nobles et illustres maisons vivantes et esteintes en l'estendue du diocèse d'Amiens, etc. ; par maistre Adrian de la Morlière, chanoine de l'église cathédrale d'Amiens. Paris, Sébastien Cramoisy, MDCXLII.

Quatre cent quarante et une pages, et 3 feuillets non chiffrés pour le titre, la préface et des sonnets. La Bibliothèque historique de la France, n° 34,148, indique les deux premières éditions des Antiquités d'Amiens à la date de 1621 et 1622.

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