Blason santerre.baillet.org

Histoire de Montdidier
Livre I - Chapitre III - Section III

par Victor de Beauvillé

Section III

Herbert IV

Hugues le Grand

Son départ pour la Terre Sainte

Sa mort

Adèle, sa veuve, réside à Montdidier

Synode tenu dans cette ville

Quand serait décédée la comtesse Adèle ?

 

Par suite de l'entrée du comte en religion (1077), Herbert IV de Vermandois, qui avait épousé Adèle sa sœur, devint possesseur du comté de Montdidier et d'une partie des domaines de Raoul de Crépy ; aussitôt après la retraite de Simon, le roi et d'autres seigneurs s'étaient saisis d'une portion de ses États. Herbert eut deux enfants : un fils nommé Eudes, deshérité à cause de la faiblesse de son esprit, et une fille nommée Adèle, qui, par suite de cette déchéance, devint l'unique héritière du comté de Vermandois. Peut-être l'infirmité dont on se prévalut ne fut-elle qu'un prétexte pour faire passer tous les biens d'Herbert IV sur la tête d'Adèle, sa fille, afin de la mettre en état d'épouser Hugues, frère de Philippe I, roi de France. Cette alliance, qui se conclut en 1077, fit entrer le comté de Montdidier dans la maison royale. Herbert IV ne jouit pas longtemps de l'héritage de Simon ; il mourut en 1080.

Après la mort d'Herbert IV, dernier comte de la première famille de Vermandois, Hugues de France se trouva, du chef de sa femme, en possession de Montdidier et du comté de Vermandois, dont il prit le nom et les armes : échiquetées d'or et d'azur ; il y ajouta trois fleurs de lis au chef d'azur, pour faire voir qu'il était de race royale.

Au mois d'avril 1096, Hugues partit pour la Terre Sainte à la tête d'une nombreuse armée. Son passage en Italie, sa défaite à Durazzo, sa captivité à Constantinople, sont autant d'épisodes curieux qui signalèrent son voyage ; mais, ces faits étant étrangers à notre sujet, nous ne croyons pas devoir en parler dans cette Histoire, et nous ne ferons qu'indiquer les principales actions du comte de Montdidier. En 1097, il était à la prise de Nicée ; la valeur brillante qu'il déploya, l'année suivante, au siége d'Antioche, où il fut un des premiers qui entrèrent dans la ville, lui mérita le surnom de Grand. L'expédition n'ayant pas réussi, Hugues retourna en France, fit de nouveaux préparatifs, et repassa une deuxième fois la mer (1101). Mais cette seconde campagne fut encore plus malheureuse que la première : les forces nombreuses que le comte amenait furent détruites en divers combats qu'il livra aux infidèles : dans l'un d'eux, il fut atteint d'une flèche, et put avec peine gagner la ville de Tarse, en Cilicie, où il mourut des suites de sa blessure, le 18 octobre 1101, âgé de 45 ans, suivant le P. Daire. Il fut enterré dans l'église Saint-Paul de Tarse.

Hugues le Grand laissa sept enfants : Raoul, comte de Vermandois et de Montdidier ; Henri, comte de Chaumont en Vexin ; Simon, évêque de Noyon, fondateur de l'abbaye d'Ourscamp ; Mahaud, mariée à Raoul de Beaugency ; N.... de Vermandois, mariée à Boniface, marquis d'Ancône en Italie ; Élisabeth, femme de Robert, comte de Meulant ; et une quatrième fille qui épousa Hugues II, seigneur de Gournay. Adèle de Vermandois conserva, après la mort de son mari, l'administration du comté de Montdidier réuni à celui de Vermandois, qu'elle appelle nostri honoris, c'est-à-dire, chef-lieu de mouvance, suivant Brussel : cette expression avait peut-être pour but d'indiquer que ce comté faisait partie du patrimoine de la comtesse ; elle en portait le titre, et plusieurs chartes commencent par ces mots : Adela, Dei gratia, Viromanduorum comitissa.

Adèle épousa en secondes noces Renault, comte de Clermont en Beauvaisis. On n'est pas fixé sur l'époque de ce mariage ; il est certain cependant qu'il se fit avant 1108. En 1112, la comtesse mit un terme aux exactions auxquelles les habitants de Fescamps étaient en butte de la part de ses officiers, à cause de l'avouerie qui lui appartenait dans cette commune ; elle fit cesser ce droit, et le remplaça par un cens annuel de quatre sols par char et deux sols par charrette : l'acte fut passé à Roye, où était la comtesse, en présence et du consentement de Raoul, son fils.

Adèle résidait souvent à Montdidier. En 1114, elle y tint sa cour de justice. Il existe un acte de cette année, passé in thalamo nostro Montisdesiderii, contenant la restitution faite par la comtesse à l'abbaye Saint-Corneille de Compiègne de plusieurs serfs qu'elle lui avait enlevés et qu'elle retenait contre toute justice. Cette réparation eut lieu avec le consentement de Raoul, Henri et Simon ses fils, et d'après le conseil des principaux seigneurs de sa cour, Robert de la Tournelle ; Adam, surnommé la Rage ; Weuric, châtelain, et beaucoup d'autres désignés dans l'acte. (Pièce just. 2.)

L'année suivante (1115), la comtesse assista avec ses enfants au synode que Geoffroy, évêque d'Amiens, tint en grande pompe dans notre ville. Elle y confirma la donation qu'Hélinand de Montdidier, chevalier, avait faite à l'église de Compiègne des dîmes de Mesviller (Piennes) et Provastre (La Villette près Rollot) qu'il tenait en fief de la comtesse de Vermandois. Adèle prend dans cet acte le titre de sœur de l'Église, entendant par là s'associer aux bonnes œuvres des religieux de Compiègne. Dans ce titre et dans celui de 1114, dont nous avons parlé précédemment, Raoul est toujours qualifié de comte. (Pièce just. 3.)

Adèle ne jouit pas toute sa vie du comté de Vermandois. En 1117, Raoul son fils en prit possession, et le comté d'Amiens fut donné en échange à sa mère. Cet arrangement ne satisfit point la comtesse, il jeta la désunion entre la mère et le fils, et amena des hostilités sur lesquelles nous n'avons aucun détail : la preuve de cette division et de la guerre dont elle fut suivie se trouve dans une charte de 1120, qui fait mention de la paix conclue cette année, par l'intermédiaire du roi, entre la comtesse et Raoul. D'après du Cange, ce serait en 1120 seulement que Raoul aurait pris possession du comté de Vermandois, et Adèle serait rentrée dans la jouissance de celui d'Amiens en 1117, lorsque Louis le Gros en eut chassé l'usurpateur Thomas de Marie.

Le comté de Montdidier suivit-il le sort du comté de Vermandois, ou bien Adèle en conserva-t-elle la jouissance ? C'est ce que nous ne savons. Au reste c'est une question dont la solution n'est pas d'une haute importance, puisque le comté de Montdidier devait, après le décès d'Adèle, faire partie du domaine du comte de Vermandois. La comtesse affectionnait beaucoup notre ville et devait attacher un grand prix à sa conservation, car, de toutes celles qui lui appartenaient, c'était Montdidier qui lui produisait le revenu le plus considérable.

Adèle mourut le 28 septembre, mais on ignore en quelle année. Je pense que son décès dut arriver de 1120 à 1124 : le père Daire prétend qu'Adèle fut enterrée dans l'abbaye d'Ourscamp. Cette assertion est inadmissible, cette abbaye n'ayant été fondée par Simon, son fils, qu'en 1129-1130. Les Bénédictins assurent qu'Adèle mourut en 1118, c'est une autre erreur : du Cange cite une charte de 1120, passée en présence de Louis le Gros, et faisant mention de l'accommodement qui intervint, cette année, entre Adèle et Raoul, son fils : cette charte est rapportée dans Émeray, Augusta Viromanduorum vindicata, Pièces justificatives, p. 39.

En 1124, Simon évêque de Noyon, fonda dans l'église de Saint-Quentin un annuaire pour le repos de l'âme de sa mère, ce qui donnerait à penser que la comtesse mourut vers ce temps.

*
 

Retour
Retour

Accueil
Suite