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Histoire de Montdidier
Livre I - Chapitre VII - Section V

par Victor de Beauvillé

Section V

Henri II passe à Montdidier

Inventaire de l'artillerie

Invasion des Allemands en Picardie

Requête adressée par les habitants à la ville de Paris

Lettres patentes de Henri II

 

Henri II monta sur le trône en 1547 ; après son sacre, il visita les principales villes de Picardie. Le 21 août, le roi vint à Montdidier, il y coucha, inspecta les fortifications, et le lendemain se rendit à Compiègne. On lui offrit les vins de présent. Le compte de la ville porte : « A Antoine Bosquillon, hôte de la hache, pour partie de la collation du roi en passant en poste par la ville, 3 liv. 15 s. ; à Pierre Cousin, apothicaire, pour confitures par lui bailliées le 21 aoult pour la collation du roi, 16 sols. »

Un inventaire de l'artillerie envoyé au maréchal de la Marck, le 2 janvier 1547, contient l'énumération des moyens de défense que la ville possédait à cette époque ; voici en quoi ils consistaient : « Un canon recousé monté sur roue envoyé par la ville de Paris à Montdidier, deux petites couleuvrines montées sur roue aussi envoyées par la ville de Paris et dont l'une est rompue, deux autres couleuvrines moyennes montées sur roue aux armes de la ville de Montdidier, cinq petits fauconnaux montés sur roue, 28 arquebuttes à crocq, les 18 de fonte et 10 autres de fer, 4 coquets de vieille poudre, demi coquet de salpètre, demi barril de soufre, 400 boullets de plomb tant pour les couleuvrines fauconnaux que arquebuttes, 30 boulets de fer de fonte pour le canon et quant au calibre il n'y en a pas du calibre du roi. »

En 1550, il y avait en garnison quatre-vingts hommes d'armes et cent vingt archers de la compagnie du Dauphin, commandés par M. de Durfé. (Pièce just. 47.)

Les Impériaux, maîtres de l'Artois, firent invasion en Picardie, passèrent la Somme, pillèrent le Santerre et menacèrent Montdidier. Le connétable de Montmorency marcha à leur rencontre et les força de rebrousser chemin. Dépourvue d'une artillerie suffisante, notre cité courait le risque de né pouvoir opposer à l'ennemi une résistance efficace ; elle s'adressa à la ville de Paris, la suppliant de lui fournir les moyens matériels de soutenir un siége. Au mois de mars 1551, le maïeur Parmentier fut envoyé dans la capitale pour obtenir quelques pièces de canon. La requête des Montdidériens à l'échevinage de Paris est ainsi rapportée dans le registre de l'hôtel de ville de la capitale :

« Du IIIIe jour de mars mil Ve LI avant Pasques.

Requestre présentée par les habitants de Montdidier.

Aujourd'huy les habitans de la ville de Montdidier ont présenté requeste à la ville de Paris, dont la teneur en suit ledit majeur en personne, supplient humblement les majeur et eschevins de la ville de Montdidier, comme puis naguères l'armée des Bourguignons et ennemys du royaulme ayent passé la rivière de Somme, couru et pillé le pays de Santerre et toute la frontière tenant leur chemyn vers ladite ville de Montdidier et pays d'environ, et pour ce que ladite ville de Montdidier et le pays est dénué de gendarmerye et forces pour résister à l'invasion des ennemys, lesdits suppliants craignant ne pouvoir supporter et soutenir si grosse armée à l'encontre d'eulx sont contraincts demander secours pour la deffense de leur ville et pays circonvoisin : ces choses considérées afin de éviter le peril et danger tant auxdits suppliants que a ladite ville de Paris, si lesdits ennemis passoient oultre et conserver le pays et en l'obéyssance et subgection du roy vous plaise auxdits supplians donner secours et ayde de certain nombre de pièces d'artillerie boullets et poudre à canon afin que lesdits suppliants ayent meilleur moyen de soutenir l'invasion des ennemys et résister a leur entreprinse, tellement que la force en soit et demeure au roy et ladite ville de Paris en plus grande seureté et lesdits suppliants se obligeront eulx et les biens de leur ville à la restitution de ce qui leur sera par vous presté, et vous ferez le devoir envers la république de France comme loyaulx subgectz du roy.

Présentée par Pierre Parmentier, majeur de la ville de Montdidier.

Sur laquelle requeste veue et oy ledit mayeur a esté advisé d'envoyer lettres à Monseigneur le connestable, dont la teneur s'ensuit :

Monseigneur nous avons esté cy devant adverty que la veille de Notre Dame dernier, les Bourguignons ayant passé la rivière de la Somme, sont venus courrir jusques près la ville de Montdidier, pillé le plat pays et admené grand nombre de bestiaux et aucuns prisonniers, et ce jourd'hui est venu vers nous le majeur dudit Montdidier, nous advertir que ladite course avoit esté principalement faicte pour sonder et veoir l'endroit du passage de la dite rivière le plus aysé, et que le sieur du Reu était à Bapaulme avec quelque bon nombre de gens de cheval et de pied faisans marcher un pont de bastiaux pour passer ladite rivière luy et sa compaignée, délibéré comme il disoit avoir certain advertissement pour surprendre ladite ville de Montdidier qui est comme ledit mayeur nous a dit mal garnye de munitions de guerre, et que a ceste cause il estoit venu pour recouvrer de nous par press quelque pièces d'artillerye boullets et pouldre a canon pour les envoyer audit Montdidier pour la deffense, l'affaire advenant, surquoy luy avons faict responce que nous en advertirions le Roy. Et pour ce monseigneur que telle entreprinse est de grande importance ; nous avons bien voullu de notre part vous en advenir et en escripre affin que votre bon plaisir soit nous en faire escripre, son voulloir pour y estre faict tout le devoir qu'il nous sera possible, combien que nous soyons mal garnyz d'artillerie, comme de vingt faulcons et faulconneaux seullement. »

Un mois après, l'échevinage de Paris écrivait de nouveau au connétable la lettre suivante :

« Monseigneur, ce premier bruit a estonné quelques ungs de ceste ville de Paris estans les moins asseurez, voyans qu'il n'y a que vingt lieues jusques audit Montdidier et sera cause que nous recouvrerons a plus grande difficulté les deniers de la soulte des cinquante mille hommes où nous faisons toutes les diligences possibles et usons de prières et remontranses envers les habitants pour tirer d'eulx amyablement les deniers affin de n'avoir occasion de user de contrainte à l'encontre d'eulx Monseigneur après nous estre très humblement recommandez à votre bonne grâce nous prions Notre Seigneur vous donner en santé très longue et heureuse vie, à Paris le IIIIe jour d'avril mil Ve LI avant Pasques. »

Les Montdidériens eurent aussi recours à leurs voisins. En 1552, ils demandèrent à Amiens des arquebuses, de la poudre et des piques ; le 11 novembre, on obtint douze petits fauconneaux, six caquets de poudre et cent cinquante piques. (Pièce just. 48.) Ces munitions arrivèrent à temps. Le comte de Rœux fit dans la province une seconde invasion plus terrible que la première. Les impériaux commettaient des excès affreux ; Chauny, Nesle, Noyon, Roye, furent pris et livrés aux flammes. Au mois de novembre, les ennemis campèrent à Guerbigny, menaçant Montdidier du même sort, ils s'approchèrent à une demi-lieue, mais la contenance déterminée des habitants leur en imposa, et ils s'éloignèrent sans oser les attaquer. Dans sa retraite, le comte de Rœux mit tout à feu sur son passage, incendiant près de sept cents bourgs et villages.

Henri II venait de s'emparer des Trois-Évêchés et se disposait à pénétrer en Allemagne, lorsque cette soudaine invasion l'obligea à revenir sur ses pas. Si les Impériaux n'avaient pas été arrêtés dans leur marche par la fermeté de nos ancêtres, ils pouvaient, une fois maîtres de Montdidier, profiter de l'éloignement du roi et se porter rapidement sur Paris : le courage de nos pères sauva la capitale.

Henri II récompensa les Montdidériens par un nouvel octroi de 4s sur chaque minot de sel, en outre des 2s dont ils jouissaient depuis longtemps.

Les lettres patentes du roi, du 2 mars 1552, sont conçues dans les termes les plus honorables pour nos aïeux :

« Et encores au temps que feu le sieur de la Chasteneraie estant lors nostre lieutenant en nostre ville de Montdidier par l'espace de huit à neuf ans, iceux habitants pour mettre ladite ville de Montdidier en plus grande seureté et meilleure deffense auroient de rechef eslargi les fossés, augmenté les remparts, reédiffié les tours et forteresses, coupé et abatu les arbres de leurs jardins, près et héritages allentour d'icelle ville, et d'iceux fait et dressé plusieurs autres belles plattes formes, et ce en obtempérant à la volonté et bonne envie que ledit feu sieur de la Chasteneraie avoit de garder et defendre ladite ville contre l'ennemy. Et encore aux invasions dernières faites par l'ennemy ès villes de Chauny, Noion et Roye et autres bourgs et villages du pays de Sangters pour eviter que pareille occasion leur fut faite en nostre dite ville ils auroient fait mettre en état de déffense aucuns endroits des murailles de ladite ville qui estoient ruinés : reparé lesdits remparts, recouvré en diligence plusieurs munitions de guerre dont ils estoient dégarnis et fait en tout et partout le debvoir a eux possible pour le fait de la fortification et deffense de la dite ville, de sorte que joint le promp secours qui leur a esté donné, l'ennemy ayant marché jusques a demi lieue d'icelle ville, auroit esté arreté et n'auroit passé outre pour exécuter son entreprise qui estoit de vouloir saccager et brusler la ville de Montdidier. »

C'est dans de pareilles circonstances que l'on peut apprécier la valeur d'un peuple.

Pendant la première moitié du seizième siècle, nos ancêtres furent presque constamment occupés à se mettre en garde ou à se defendre contre les attaques dont ils étaient l'objet ; mais un adversaire bien autrement redoutable que les Bourguignons et les Impériaux s'était introduit dans leurs murs. Le fléau des controverses religieuses avait jeté des racines profondes dans le pays. Une lutte nouvelle allait commencer, plus ardente, plus passionnée que les autres : aux guerres avec l'étranger succédèrent les guerres de religion, et pendant quarante ans la discorde civile et les maux qu'elle entraîne après soi déchirèrent sans interruption notre malheureuse patrie.

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