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Histoire de Montdidier
Livre I - Chapitre IX - Section IV

par Victor de Beauvillé

Section IV

Prise du château de Davenescourt

Sa destruction

Le château de Mortemer tombe au pouvoir des habitants

Inquiétude qu'il leur cause

Trahison du seigneur de Maizières

François Gonnet, député aux états de Paris

Appréhensions continuelles

 

Le 14 août, la ville fut obligée de fournir dix-huit mille pains au duc de Mayenne, qui se trouvait auprès de Ham. Après la prise de Noyon par Henri IV, le chef de la Ligue songea à pourvoir à la défense des places les plus exposées aux attaques de l'armée royale ; le 19 août, le régiment de Tremblecourt, fort de douze compagnies, et commandé par son colonel Louis de Beauveau, seigneur de Tremblecourt, fut envoyé à Montdidier. Ce régiment avait beaucoup souffert au siége de Noyon ; il avait essayé, mais en vain, de pénétrer dans la place. Ce renfort ne fut d'aucune utilité et ne contribua qu'à augmenter les charges des habitants, qui eurent considérablement à souffrir de la présence de ce régiment, dont la discipline était très-relâchée ; chaque jour il fallait lui distribuer neuf cent quarante-neuf pains ; ses frais de séjour s'élevèrent à 7,000 écus et deux cents muids de blé. Les troubles qu'il occasionna furent tels qu'on se vit obligé de le faire sortir. Le 1er janvier 1592, vers les dix heures du matin, pendant une sédition suscitée par le colonel lui-même, plusieurs personnes furent blessées, entre autres deux échevins. Le régiment délogea le 7 janvier. Il eût été difficile de causer plus de désordre et d'être plus onéreux à une ville que ne le fut cette garnison pendant les cinq mois qu'elle resta à Montdidier, et cela sans rendre le moindre service. Presque aussitôt son arrivée, Louis de Beauveau avait voulu reprendre les châteaux de Davenescourt et de Mortemer. Le 29 août, il demanda à la ville de lui prêter quelques pièces de canon, ce qui lui fut accordé de grand cœur ; mais le sieur de Tremblecourt ne pouvait qu'échouer avec la soldatesque indisciplinée qu'il avait à sa suite, et ce n'était pas à lui qu'était réservé l'honneur de s'emparer du château de Davenescourt : ce fut le sieur de Remaugies, un des chefs de la Ligue, qui s'en rendit maître le 25 septembre 1591, grâce aux intelligences qu'il s'était habilement ménagées dans la place. Le château de Davenescourt appartenait à Louis de Barbançon, chevalier, seigneur de Cany. Aussitôt que cette nouvelle fut arrivée à Montdidier, les maïeur et échevins envoyèrent féliciter de Remaugies, et le prier de faire raser le château, ou de le remettre entre leurs mains, s'il ne voulait se charger de ce soin.

Le sieur de Remaugies consentit à ce qu'on réclamait, à la condition toutefois qu'on lui rendrait les 500 écus qu'il avait dépensés pour pratiquer ceux qui tenoient le château. La demande était raisonnable ; mais les habitants, qui n'appréhendaient plus de voir les royalistes faire des courses jusqu'à leurs portes, la traitèrent fort légèrement, et renvoyèrent sans gêne de Remaugies à se pourvoir vers monsieur de Mayenne ou autre comme il verra bon estre. Le maïeur et les échevins se réunirent le 29 septembre à l'hôtel de ville, et délibérèrent sur le sort du château de Davenescourt, comme si sa prise eût été leur ouvrage ; ils résolurent de le faire abattre et raser sans délai pour le soulagement du pays, et donnèrent commission à un sergent nommé Esmery d'exécuter cet ordre, même de rompre les cloches et faire amener les matériaux ; et afin que la démolition fût promptement exécutée, l'envoyé de la ville pouvait mettre en réquisition les habitants des villages voisins, sans attendre d'autre mandement de l'échevinage.

Le mandat était plus facile à donner qu'à remplir. De Remaugies ne s'était pas emparé du château de Davenescourt pour s'en voir déposséder par le bon plaisir de quelques échevins timorés dont tous les efforts avaient été impuissants à s'en rendre maîtres ; aussi, lorsqu'Esmery se présenta le 1er octobre pour accomplir son œuvre, de Remaugies, sans plus de respect pour l'échevinage, mit le sergent à la porte, se souciant fort peu de l'ordre que ce dernier avait reçu de n'en sortir que les forteresses ne fussent abattues.

Grande fut la colère de la mairie en apprenant la réception faite à son envoyé ; elle adressa à de Remaugies une lettre pleine de menaces, et fit défense aux villageois des alentours de lui avancer aucune fourniture ou contribution ; mais il n'en tint nul compte, et s'établit tranquillement à Davenescourt. Les habitants en référèrent alors au gouverneur général, qui ordonna la destruction du château. Forts de cet appui, les majeur et échevins délivrèrent, le 21 octobre 1591, une commission au sieur de Lignières, lieutenant de la compagnie de François de Conty, capitaine de Montdidier, afin de faire démolir, ruiner et abattre en toute diligence le château de Davenescourt, suivant le commandement de M. d'Estourmel.

Le gouverneur général, encore plus adroit politique qu'habile homme de guerre, prit le meilleur parti pour arriver à ce résultat tant désiré. II écrivit à de Remaugies qu'il s'engageait à lui faire payer les 500 écus qu'il avait dépensés à la prise de Davenescourt : c'était lever tous les obstacles, et dès lors la ruine du château devint inévitable. Il fut détruit au mois de mars 1592, par Antoine Parmentier, canonnier à Montdidier, lequel employa quinze à dix-huit jours pour le démolir, ainsi que le château de Mortemer, dont nous allons parler.

Cependant les succès répétés de Henri IV avaient singulièrement refroidi l'enthousiasme primitif des partisans de la Ligue. Afin de ranimer leur ardeur, les chefs de ce parti décidèrent, le 30 décembre 1591, que ceux qui porteraient les armes pour l'Union seraient déchargés de la taille : c'était, en effet, le seul moyen de retenir dans les rangs de la Ligue des gens dont le zèle était fort ébranlé.

Le château de Mortemer ne causait pas moins de dommage à la ville que celui de Davenescourt. Le 1er mai 1590, on l'avait, d'un commun accord, considéré comme neutre ; le duc de Longueville avait autorisé la garnison qui s'y trouvait à se retirer, à condition qu'on n'y mettrait point de troupes de l'Union ; mais cette clause ne fut pas observée, et les royalistes restèrent dans la forteresse, d'où ils ravageaient impitoyablement les environs de Montdidier.

Le 9 janvier 1592, les habitants s'adressèrent à leur capitaine François de Conty, le priant de les délivrer de ce dangereux voisinage, de prendre et de raser ce fort, qui leur était si nuisible. L'effet ne tarda pas à suivre leur demande, et peu de jours après le château de Mortemer était au pouvoir de l'Union. La garde en fut confiée au sieur de Maizières, qui commandait une partie de notre garnison. De Conty, fidèle à la promesse qu'il avait faite aux Montdidériens, prescrivit immédiatement la démolition du château, et, le 16 janvier 1592, il fit publier l'ordre suivant :

Commandements sont faits à tous habitans tant du village de Mortemer que de ceux des villages et bourgs de deux lieues à l'entour dudit Mortemer, et mesmes aux habitants des villages refugiés en ceste ville, de incontinent se trouver au chateau de Mortemer, avec piques, pelles et hoyaux pour faire ouverture du dict château et rompre les forteresses d'icelle a ce que l'ennemi ne s'en puisse plus emparer, le tout à peine aux désobeissans de vingt écus d'amende et de prison. Faict par nous Francois de Conty escuier, sieur de Rocquencourt, capitaine et gouverneur de Montdidier par commandement et pouvoir de Monseigneur le duc de Mayenne, lieutenant genéral de la couronne de France le XVI janvier 1592.

Cette exactitude de notre capitaine à tenir sa parole mécontenta vivement de Maizières, qui se flattait d'être indépendant dans le château de Mortemer et d'y vivre à sa guise ; aussi, lorsqu'il lui fallut abandonner Mortemer pour rentrer dans nos murs et se remettre sous l'obéissance de ses chefs, sa contrariété fut extrême, et il chercha par tous les moyens à se maintenir dans son poste. Il vint à Montdidier, et, dans une assemblée tenue le 18 janvier, se faisant aussi souple que possible, il dit qu'il ne tenoit le château de Mortemer à autre intention que de le remettre ès mains de messieurs de la ville que pour lui il lui sembloit qu'il se devoit mettre en neutralité, suppliant lorsqu'il rendroit ledit chateau d'estre assisté de quelque bonne somme de deniers pour payer sa rançon.

Ces paroles doucereuses ne produisirent aucun effet, et, sans s'y arrêter, on décida que de Maizières remettrait le château au capitaine de Montdidier, qui le ferait démolir nonobstant toute convention antérieure, et qu'à l'égard de la récompense qu'il réclamait, il eût à s'adresser au duc de Mayenne, et qu'on se conformerait à ses ordres.

De Maizières ne se pressant pas d'obéir, les habitants eurent recours à François de Conty, qui fit signifier au commandant de Mortemer d'avoir à lui rendre la place sans différer ; ce qui fut exécuté le 31 janvier 1592. Le jour même, de Conty donna des ordres pour la faire démolir, et envoya François Ballin avec quatre maçons, escortés de vingt-quatre soldats, pour commencer immédiatement l'œuvre de destruction.

C'était une entreprise ardue, car le château de Mortemer était extrêmement fort et d'une construction très-solide ; les hommes qui furent chargés de cette besogne reculèrent devant l'exécution, et firent connaître les obstacles qu'ils rencontraient, mais on ne tint aucun compte de leurs observations. Le 2 février, on les informa qu'il leur serait envoyé de la poudre à canon pour faire sauter les tours, les murailles et les portes. Il y avait probablement pour cette démolition plus de mauvais vouloir de la part des ouvriers que de difficulté réelle ; ils avaient très-vraisemblablement été gagnés par des personnes intéressées à la conservation de la forteresse.

Le sieur de Caveront, un des gentilshommes en garnison à Montdidier, écrivait que l'on ne pouvoit démolir le château de Mortemer en trois semaines ; que si on vouloit le rendre neutre, le duc de Longueville en donneroit toute assurance, et que les habitants pourvoient y mettre telle personne que bon leur sembleroit. De leur côté, les maçons informaient que le château ne se pouvoit démolir en huit mois. On augmentait la difficulté à plaisir, et chacun enchérissait sur ce qu'on avait dit avant lui. Le 6 février 1592, Antoine Parmentier, canonnier envoyé au château de Mortemer pour adviser de la desmolition d'iceluy, estant de retour, et après serment fait, a dit qu'il ne se peut démolir en un an. Interrogé s'il n'avoit été induit par personne ou autrement, a dit que non. L'exagération de ce langage, ces impossibilités qui allaient toujours croissant, prouvent jusqu'à la dernière évidence qu'il y avait un complot ourdi pour empêcher la ruine du château.

Les habitants se trouvaient dans une position fort embarassante : toutes les personnes auxquelles ils s'adressaient refusaient de se charger de l'entreprise et s'efforçaient de la faire regarder comme impraticable. Dans cette circonstance, ils eurent de nouveau recours au sieur de Rocquencourt, s'en remettant entièrement à sa prudence du soin de faire exécuter ce qu'il jugerait le plus utile au bien public. De Rocquencourt était homme d'action ; loin de se laisser éblouir par de faux rapports, comme de bons bourgeois peu au courant des ruses de la guerre, il conduisit l'affaire militairement, et donna des ordres que l'on n'eut garde d'enfreindre ; dans le mois de mars de cette année, non-seulement le château de Mortemer, mais encore celui de Davenescourt, furent démolis dans l'espace de quinze à dix-huit jours, par ce même Antoine Parmentier qui prétendait que le château seul de Mortemer ne pouvait être détruit dans un an : l'obéissance dépend toujours de la personne qui exerce le commandement. Le château de Mortemer était à l'est du village ; on voyait encore, il y a quelques années, une partie des fossés d'enceinte, avec un pont de trois arches, et la base de trois tours dont chacune avait quarante pieds de diamètre.

La prise de Mortemer faillit avoir les conséquences les plus graves. La garde en avait été confiée, ainsi que nous l'avons dit, au sieur de Maizières jeune homme de vingt à vingt-deux ans, passionné pour le jeu, et plus amoureux du plaisir que du bien-être de ses soldats, qu'il laissait souvent manquer du nécessaire. Au mois de juin 1591, il avait été chargé de conduire une compagnie de gens de pied de la garnison de Montdidier à Gournay en Bray, dont on craignait que Biron ne fit le siége. Cette compagnie qui, en allant, avait traversé Beauvais, repassa par cette ville le 22 juin. Le lendemain, on voulut l'envoyer à Pontoise : les soldats se mutinèrent et refusèrent de continuer. On leur ordonna de marcher, sous peine de mort ; alors seulement ils obéirent : Ce qu'ils refusoient d'y aller estoit qu'on ne leur bailloit point d'argent, et y avoit longtemps qu'ils n'en avoient reçu ; et les faisoit-on faire deux mois pour ung et les repaissoit-on de baies. Car Mezières, jeune homme de vingt ou vingt-deux ans, ne se soucioit que de prendre ses plaisirs, et les soldats disoient qu'il avoit reçu de monsieur du Maine grand denier à la charge de les paier, mais il n'en bailloit point et jouoit tout. Quand de Maizières avait perdu au jeu l'argent destiné à sa compagnie, il n'en fallait pas moins payer ses soldats, et leur entretien retombait à la charge des habitants.

Le duc d'Aumale, étant à Davenescourt, où il passa les 26, 27, 28 et 29 janvier 1592, écrivit aux Montdidériens pour les engager à compter 200 écus à la compagnie du sieur de Maizières, qui manquait d'argent : Vous savez assez, leur disait-il dans sa lettre, le service et commodité qu'en avez senti. C'était une amère dérision.

Peu s'en fallut que de Maizières ne fît payer cher au parti dont le duc d'Aumale était un des chefs les services qu'il lui avait rendus jusqu'alors. Furieux de voir que non-seulement on ne lui accordait pas la garde du château de Mortemer, mais qu'on lui refusait encore la somme d'argent qu'il demandait, il résolut de se venger sur la ville, et forma le projet de la livrer à Henri IV. Il lui était d'autant plus facile d'exécuter ce dessein que deux compagnies de gens de guerre à ses ordres, l'une à pied, l'autre à cheval, qui tenaient garnison à Montdidier, n'étant pas payées, ce qui était fort conséquentieux et dangereux, et se souciant peu de crier Vive le roi ou Vive la Ligue, étaient tout disposées à suivre indifféremment celui des deux partis qui leur assurerait la meilleure solde. De Maizières se mit en rapport avec les royalistes de Corbie. Dans les premiers jours de février, la cavalerie de cette ville, soutenue de quelque infanterie, se mit en marche pour surprendre Montdidier ; mais ce projet échoua par l'indiscrétion de ceux-là même qui devaient en assurer le succès. Le 5 février, les habitants reçurent d'Amiens l'avis de se tenir sur leurs gardes, parce que ce jour-là la garnison de Corbie était sortie pour tenter un coup de main contre leur ville, où elle se vantait d'avoir des intelligences. Le 6, de Maizières voulut tenter l'entreprise, mais l'affaire était manquée ; le jour même on décréta de prise de corps contre lui, et le lendemain les deux compagnies qu'il commandait furent licenciées. On écrivit au gouverneur général pour obtenir que François de Conty, sieur de Rocquencourt, fit entrer sa compagnie, forte de deux cents hommes, afin d'éviter les risques qu'on pourrait courir ; et, sur la requête de François Gonnet, procureur du roi, on instruisit immédiatement le procès de de Maizières et de ses complices ; le 24 février, on ordonna aux habitants de déposer au greffe dans le jour même les hardes, or, argent et tout ce qui avait appartenu aux sieurs de Maizières, Montemy, Marceau, la Feuillade, et au sergent Hinc, qui faisaient partie du complot, à peine de cent escus d'amende et d'estre punis comme fauteurs et adhérents de la conspiration et trahison de la ville. Lors de son passage à Montdidier, en 1594, Henri IV fit détruire toutes les pièces de la procédure.

En 1592, on eut de sérieuses appréhensions d'une attaque de la part du roi. Le seigneur de Brouilly, qui était à Beauvais, quitta cette ville et vint, le 21 mai, reprendre ses quartiers à Montdidier. Henri IV était à Compiègne les 26 et 28 mai 1 592, sa cavalerie à Montières et à Wacquemoulin, son infanterie à Saint-Just et à Breteuil ; des partis poussèrent des reconnaissances jusqu'à Boulogne ; si les habitants n'avaient pas eu la précaution de faire occuper la forteresse de Mortemer, la ville se serait trouvée découverte et exposée en plein aux attaques de l'armée royaliste.

Le roi, que des affaires plus importantes appelaient ailleurs, retourna sur ses pas, et marcha à la rencontre des Espagnols, commandés par le prince de Parme. On était sur un qui-vive continuel ; hommes et femmes travaillaient aux fortifications ; les femmes avaient la hotte sur le dos, et devaient en porter quatre-vingts par jour. La foire ne se tint pas cette année, de crainte de l'ennemi. Toutes les précautions furent prises en cas de siége. Il fallait se procurer de l'artillerie ; une commission se transporta le 22 janvier 1593 au domicile de chaque habitant, et reçut son offrande. Indépendamment des dons volontaires, on se servit de trois pièces d'artillerie crevées qui se trouvaient sur la tour Rouge, sur la motte de Juvenssy et sur le rempart, derrière l'église du Saint-Sépulcre, pour faire deux grandes coulevrines qui furent coulées le 4 mars. Mais nos ancêtres n'étaient pas des fondeurs très-habiles ; une des deux pièces manqua : tout le métal ne put entrer en fusion, et il en resta plus de seize cents livres dans le fourneau, bien que le feu eût brûlé pendant vingt-huit heures consécutives. La pièce qui réussit fut essayée avec une charge de treize livres de poudre.

Le 17 février 1593, François Gonnet fut nommé pour représenter la ville aux états généraux réunis à Paris. Cette convocation des états avait été faite au nom de la Ligue ; les députés qui s'y rendirent furent peu nombreux. Sur le refus de François Gonnet d'assister à cette assemblée révolutionnaire, on envoya une procuration en blanc au gouverneur général pour la remplir comme bon lui semblerait. Voici le texte de la procuration remise à Michel d'Estourmel :

« Pardevant les notaires gardes notes royaux en la ville, gouvernement et prevôté de Montdidier soussignés, les seigneurs gentilshommes c'y après nommés résidens de présens audit Montdidier, à savoir : François de Conty, ecuier seigneur de Rocquencourt, capitaine et gouverneur de la ville de Montdidier en l'absence de M. d'Estourmel, gouverneur général de Péronne, Montdidier et Roye ; Antoine d'Estourmel, écuier, sieur de Surville, capitaine de 50 hommes d'armes au service de l'Union des catholiques ; messire Louis de Vignacourt, chevalier, sieur de Chivrières ; Michel de Brouilly, ecuier, sieur de Clairefontaine ; Charles de Bethisy, ecuier, sieur dudit lieu et du Frestoy ; Pierre de Bertin, ecuier, sieur de Charlet, lieutenant général au gouvernement de Péronne, Montdidier et Roye ; Philippe de Bayencourt, écuier sieur dudit lieu, lieutenant de la compagnie du sieur de Surville ; François de Prevot, ecuier, sieur de Brunviller, capitaine d'une compagnie de gens de pied pour ladite sainte Union ; Leonard de Torvéon, ecuier, commissaire ordinaire des guerres, et Charles de Lignieres, ecuier, lieutenant de la compagnie dudit sieur de Rocquencourt ; Frédéric de Bernet, écuier, sieur de Cantigny, tous assemblés par authorité dudit seigneur d'Estourmel pour nommer personnes dignes et capables afin de se trouver à l'assemblée des états qui se feront en la ville de Paris, ont unanimement fait choix et élection de la personne dudit seigneur gouverneur, à la suffisance et prudhomie duquel ils remettent de conférer et résoudre ce qui sera trouvé et jugé le plus expédient pour la manutention entière et l'honneur de Dieu et conservation de la sainte pure et unique religion catholique, apostolique et romaine, bien, repos et tranquillité de ce royaume, et généralement de tout ce qui sera traité et usité dans ladite assemblée pour parvenir si faire se peut d'assoupir et éteindre les présens troubles, maintenir et conserver l'état et les sujets d'icelle en l'ancienne liberté honneur et anciens priviléges qui leur auront été de tout temps accordé par les feux rois chrétiens et catholiques et généralement promettans tenir obligeants biens et terres et seigneuries. Fait et passé audit Montdidier en l'auditoire du roi, audit lieu le 17 février 1593 et ont iceux comparans constituants signés avec lesdits notaires : signé : F. de Conty-Rocquencourt, d'Estourmel, Vuignacourt, de Brouilly, de Bethisy, de Bertin, de Bayencourt, de Prevôt, de Gouy, de Torvéon, de Lignière, de Bernet avec du Castel et de Watignies notaires. »

Le maire, les échevins et les notables restèrent complétement étrangers à cette procuration ; l'assemblée se tint, non à l'hôtel de ville, mais à la Salle du Roi, ce qui est fort significatif. Gonnet revint sur sa première détermination et se rendit à Paris : on ne voit pas cependant qu'il ait eu part aux travaux des états, car dans le procès-verbal de leurs séances, publié en 1852, on ne trouve le nom d'aucun député de Péronne, Montdidier et Roye. Le résultat des états généraux fut tout différent de ce qu'en attendaient ceux qui les convoquèrent, les Espagnols et le duc de Mayenne y virent échouer leurs prétentions.

Le 24 février 1593, le sieur de Mouy reprit le château de Mortemer, au grand regret des maïeur et échevins, qui firent observer avec raison que, si cette place avait été détruite entièrement comme on l'avait prescrit, on n'aurait pas à redouter les malheurs que cet échec pouvait occasionner. L'exemple de ce qui venait d'arriver à Mortemer donna l'éveil ; on proposa de se saisir des châteaux de la Hérelle et de Breteuil pour empêcher les royalistes de s'en emparer, comme ils avaient fait de celui de Mortemer, mais cette proposition n'eut pas de suite. On travailla activement aux remparts ; la maçonnerie se payait 5 liv. 10 sols la toise de dix pieds d'épaisseur, sans aucun retour pour le canonnier qui entreprenait les travaux ; la ville fournissait l'eau ; le setier de chaux coûtait 9 sols rendu sur place et éteint ; le mille de carreaux valait 10 liv., mais la ville devait faire ouvrir la carrière et porter les fascines nécessaires : une livre du temps de Henri IV équivaut à 2 fr. 40 cent. de notre monnaie. Les travaux de cette année furent exécutés derrière le jeu de paume de la rue Capperonnier.

L'abjuration prochaine du roi paraissait certaine. Pierre de Bertin, maïeur de Montdidier, désirant savoir, le cas échéant, quelle conduite il tiendrait, écrivit au gouverneur général touchant la promesse du roi de Navarre d'aller à la messe par les soins du cardinal de Bourbon. L'événement ne tarda pas à se réaliser : le 25 juillet 1593, Henri IV abjura solennellement l'hérésie dans l'église de Saint-Denis. Cette abjuration fut suivie d'une trêve de trois mois. Le 6 septembre, les ducs de Longueville et d'Aumale, tous deux gouverneurs de Picardie, l'un pour le roi, l'autre pour la Ligue, et Michel d'Estourmel, gouverneur général de Péronne, Montdidier et Roye, s'assemblèrent à Moreuil afin de s'occuper des affaires de la province ; la ville de Montdidier leur envoya des députés chargés de leur exposer les moyens les plus efficaces pour le soulagement de la ville et du gouvernement.

A l'expiration de la trêve, les hostilités recommencèrent. Le 21 décembre, Henri IV était avec ses troupes et trois pièces de canon à Méru ; le 22, on reçut de Beauvais avis que le roi se disposait à marcher contre Montdidier ; on en prévint le duc de Mayenne et le gouverneur général. Pendant plusieurs jours la ville fut dans une inquiétude des plus vives. Le 26, Pierre de Bertin réunit les habitants, et leur annonça que François de Conty, capitaine de Montdidier, venait d'être informé de nouveau que les royalistes approchaient ; qu'on avait écrit aux chefs de la Ligue pour les instruire de la situation de la ville et en avoir des secours ; qu'en attendant, c'était aux habitants à prendre les mesures nécessaires à la sûreté de la place.

Lorsque les ducs d'Aumale et de Mayenne et le sieur d'Estourmel eurent appris ce qui se passait à Montdidier, ils s'occupèrent aussitôt de pourvoir à sa défense. Le 29 décembre, les sieurs de Fouilloy et de Plainville arrivèrent dans cette ville, avec des compagnies de gens de guerre tant à pied qu'à cheval de la garnison de Péronne. Antoine d'Estourmel, sieur de Surville, fils du gouverneur général, tenait en même temps garnison à Montdidier, avec sa compagnie de vingt-cinq arquebusiers à cheval. (Pièce just. 49.) Ces arquebusiers faisaient partie d'une troupe d'élite de cinquante hommes, spécialement chargés de veiller à la garde du gouverneur général et des lieutenants généraux de la province ; le capitaine était nommé par le roi ; sur ces cinquante hommes, il y avait trente arquebusiers morionnés à cheval et vingt à pied, armés de corselets et de hallebardes.

Le parti du roi faisait des progrès dans la ville, malgré la présence du gouverneur général et celle de d'Espinay-Saint-Luc, son beau-frère, qui y était venu dans les premiers jours de janvier ; ceux qui désiraient sincèrement le bien de l'État et un rapprochement avec Henri IV gagnaient tous les jours du terrain, et exprimaient ouvertement leur pensée. Les propos qui circulaient à ce sujet arrivèrent bientôt aux oreilles du gouverneur général, le ligueur le plus intéressé du pays à ne pas reconnaître l'autorité du roi. Il affecta d'abord de les dédaigner, et répondit à Gonnet, procureur du roi, que pendant six semaines on estoit en sûreté dans le gouvernement de Péronne, Montdidier et Roye, sans qu'il pût y estre rien fait par les ennemis.

Les échevins de Beauvais, appréhendant que la ville n'eût gardé la neutralité, lui écrivirent à ce sujet le 12 janvier 1594. On leur répondit qu'il n'y avait pas de neutralité consentie, mais que, pendant six semaines, on n'avait aucun acte d'hostilité à redouter, sans toutefois que cette espèce de trêve eût été signée et publiée.

La fausse sécurité que d'Estourmel cherchait à inspirer autour de lui ne tarda pas à se dissiper. Les royalistes s'emparèrent de Roye le 21 janvier 1594 ; les habitants furent mis à rançon, ou forcés de s'éloigner avec leurs femmes et leurs enfants. Grande fut l'appréhension à Montdidier : chacun dut contribuer à maintenir la ville dans le parti de la Ligue, qui s'affaiblissait chaque jour ; une surprise hardie faillit la faire tomber au pouvoir du roi.

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