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Histoire de Montdidier
Livre I - Chapitre XV - Section III

par Victor de Beauvillé

Section III

Désastres de 1814

Les Cosaques à Montdidier

Passage de Louis XVIII

 

La fortune, qui jusqu'alors avait secondé les projets de l'empereur, l'abandonna ; la fatale campagne de 1812 mit un terme à une suite de succès sans égale dans les fastes de l'histoire, et vint briser la carrière la plus extraordinaire, la plus brillante que jamais homme ait été appelé à parcourir. La France, épuisée par des guerres continuelles, dut s'imposer de nouveaux sacrifices et livrer jusqu'au dernier de ses enfants. Le 22 janvier 1813, l'assemblée cantonale réunie à Montdidier fit l'offrande d'une contribution de 40,000 francs pour l'arrondissement, et d'un contingent de vingt-deux cavaliers, montés et équipés, dont cinq fournis par le canton de Montdidier. Mais tous les secours étaient impuissants ; les destinées de l'empereur étaient accomplies ; après avoir conquis l'Europe, la France vit l'étranger envahir ses provinces.

Le 19 mars 1814, les Cosaques arrivèrent de Roye à Montdidier ; il était dix heures du matin lorsqu'ils entrèrent en ville. C'était un samedi, jour de marché ; on ne les attendait pas. En un instant le désordre fut à son comble, les échoppes et les boutiques de la place furent renversées par les fuyards qui se précipitaient les uns sur les autres. Les Cosaques frappèrent la ville et le canton d'une énorme contribution en nature (Pièce just. 58); ils s'établirent à la Croix-Bleue, où on leur fournit ce qu'il fut possible. On avait eu à peine le temps de sauver l'argent du trésor, que l'on fit passer en toute hâte à Beauvais.

Le jour de leur arrivée, les ennemis dépêchèrent quelques-uns des leurs à Saint-Just afin d'arrêter la malle-poste de Paris. Il se trouva qu'un habitant de Coullemelle, nommé Pourcelle, avait écrit à Paris pour qu'on envoyât des armes ; la lettre fut interceptée ; un détachement de Cosaques se rendit à Coullemelle et voulut mettre le feu à cette commune ; mais ils se contentèrent de piller la maison du maire et celle de M. Pourcelle, qu'ils emmenèrent prisonnier à Montdidier.

Cette troupe n'était venue qu'en éclaireur, et quitta la ville le jour même. Mais dès le lendemain, vers sept heures du matin, sept à huit cents Cosaques, hussards et artilleurs prussiens, commandés par le baron Frédéric de Geismar, colonel aux gardes de l'empereur de Russie, arrivèrent à Montdidier. Ils prirent possession de la ville, placèrent des postes à l'extérieur, et interceptèrent toute communication jusqu'à ce que les réquisitions qu'ils avaient exigées fussent fournies. Les curés demandèrent au commandant la permission de célébrer l'office divin, ce qui leur fut accordé, mais à la condition de ne dire qu'une basse messe. Dans l'après-midi, une compagnie de hussards prussiens arriva de Noyon par l'ancien chemin de traverse qui passait à Piennes. Les Cosaques campèrent dans le haut de la ville, et les Prussiens dans le bas, auprès du Sépulcre ; ces derniers exigèrent, le 23 mars, une fourniture de draps assez forte.

Les Cosaques bivouaquaient dans les rues à côté de leurs chevaux tout sellés et bridés ; depuis l'église du Sépulcre jusqu'à la Croix-Bleue, il y avait une litière de fumier de six pouces d'épaisseur ; ils préparaient leurs aliments en plein air, et allumaient dans les rues de grands feux qui faisaient craindre à chaque instant pour la sûreté publique. Ces Cosaques étaient armés de sabres et de longues lances ; leur figure était d'une laideur extraordinaire et leur costume à moitié barbare. Leurs chevaux, harnachés avec des cordes, étaient petits, mal faits, mais infatigables et d'une adresse incroyable ; ils descendaient au galop le Camarade Buquet, qui était à cette époque presque à pic. En campagne ils allaient presque toujours à travers champs, franchissant les haies et les fossés ; ils n'entraient jamais dans un village par la rue, mais le tournaient, arrivaient à l'improviste derrière les maisons, et, à la grande surprise des habitants, paraissaient tout à coup à cheval dans les cours et les jardins. Leur chef, le baron de Geismar, était de grande taille ; il avait les cheveux roux ; ses manières étaient distinguées, et il s'exprimait parfaitement en français. Dans les journaux de 1844, on a lu que le baron de Geismar venait d'être envoyé en Sibérie, par ordre de l'empereur, pour avoir trempé dans quelque intrigue de palais ; nous n'oserions affirmer que ce fût le même qui était à Montdidier en 1814. Nos nouveaux hôtes étaient plus incommodes que dangereux, et, en leur fournissant des vivres abondamment, on n'eut point à s'en plaindre. Les officiers ne plaisantaient pas, et, pour la moindre infraction à la discipline, ils faisaient appliquer à leurs soldats de vigoureux coups de corde, à nu, sur le dos.

La désorganisation qui régnait dans le pays était telle que cette poignée de Cosaques suffit pour tenir pendant un mois le département en échec. Ils parcouraient les campagnes, pénétraient dans les petites villes, bouleversaient les services publics et exigeaient des réquisitions auxquelles, avec la meilleure volonté, on ne pouvait toujours satisfaire. Afin de les forcer à la retraite, le préfet, M. de Latour-du-Pin, prit, le 21 mars, un arrêté qui ordonnait la levée en masse du quarantième de la population ; mais l'enthousiasme était éteint ; les moyens coercitifs manquaient pour mettre cette mesure a exécution.

Le général d'Aigremont, qui commandait à Amiens, voulut tenter un nouvel effort : le 24 mars, il fit partir de cette ville une colonne de trois cents hommes, composée de lanciers et de tirailleurs de la jeune garde ; des volontaires et des gardes forestiers, sous les ordres du capitaine de recrutement, s'étaient réunis à ce corps, qui avait à sa tête le major du 5e régiment de lanciers. Les communes, sur la route d'Amiens à Montdidier, ayant été appelées par le tocsin à prendre part à ce mouvement, quinze cents paysans environ s'étaient joints à la troupe ; Merlin de Thionville fut chargé de les conduire.

Après une halte à Moreuil, le détachement continua sa route, et arriva vers les quatre heures du soir à cinq quarts de lieue de Montdidier ; il y rencontra les védettes ennemies, qu'il repoussa jusqu'à une demi-lieue de la ville : aussitôt le baron de Geismar fit prendre les armes à ses hommes, et marcha à la rencontre de nos soldats. Les Cosaques et les Français en vinrent aux mains au delà du bois d'Hailles. Une fusillade assez vive s'engagea ; malheureusement les gens de la campagne, peu habitués au feu, lâchèrent pied ; les Français, bien inférieurs en nombre, après s'être vaillamment défendus, ne voyant pas arriver le renfort qu'ils attendaient de Beauvais, opérèrent leur retraite en bon ordre. L'ennemi avait, ce qui lui fut d'un grand secours en cette circonstance, une pièce de huit qu'il plaça en batterie près du bois de Tilleuls ; de là il tirait sur les nôtres, qui n'avaient pas d'artillerie, et leur faisait éprouver des pertes sensibles ; l'église et les maisons de Pierrepont furent criblées de boulets et de biscaïens. Les Cosaques, voulant poursuivre leur avantage, essayèrent de passer l'Avre ; mais une barricade élevée sur le pont de Pierrepont les en empêcha ; ils tentèrent, sans plus de bonheur, le passage de la rivière au moulin Cantrel, près de l'ancien couvent de Saint-Riquier, et furent forcés de rebrousser chemin. De part et d'autre il y eut plusieurs hommes tués et blessés. Les Cosaques enterrèrent leurs morts, après leur avoir, suivant leur coutume, frotté les lèvres avec du miel.

Le détachement parti d'Amiens était de retour à Moreuil à sept heures du soir : à huit heures, le major qui le commandait, n'ayant aucune nouvelle de la colonne d'opération partie de Beauvais, se remit en route pour le chef-lieu, où il arriva à onze heures du soir, sans avoir obtenu de résultat.

Cette sortie de la garnison d'Amiens devait se combiner avec une autre que les troupes de la place de Beauvais, commandées par le général Avisse, auraient exécutée en même temps contre les Cosaques campés à Montdidier ; les deux troupes parties, l'une d'Amiens, l'autre de Beauvais, devaient, d'après le plan arrêté, se trouver simultanément devant Montdidier, cerner les Cosaques et les prendre entre deux feux. La trahison fit échouer ce projet. Les cuirassiers qui arrivaient de Beauvais, sous les ordres du général Avisse, avaient grossi leurs forces, chemin faisant, de douze ou quinze cents paysans de Saint-Just, de Breteuil et des environs, armés de toutes manières. Sur le faux avis qu'on leur donna que les Cosaques étaient en force supérieure, ils ralentirent leurs pas, s'arrêtèrent à Ferrières, et permirent ainsi au baron de Geismar de repousser le détachement venu d'Amiens.

Les Cosaques, prévenus à temps de l'arrivée de la garnison de Beauvais, revinrent promptement à Montdidier, se portèrent au-devant du général Avisse, et firent prisonnier un cuirassier envoyé à la découverte et qui s'était trop écarté. Leurs éclaireurs rencontrèrent les Français au delà de Royaucourt, et furent promptement ramenés en arrière. La colonne partie de Beauvais continua sa marche et joignit le gros de l'ennemi au-dessus du Monchel. Un nouvel engagement eut lieu, dans lequel les Cosaques furent encore repoussés ; ils battirent en retraite, pointèrent leur canon sur la côte qui est entre le village du Monchel et Montdidier, et tirèrent quelques coups qui ne firent pas grand mal aux Français. Pas un seul Cosaque n'était resté en ville. Enhardi par leur absence et par la présence du secours qui venait de Beauvais, un homme du peuple monta, sans en avoir reçu l'ordre, dans le clocher de l'hôtel de ville, et se mit à sonner la cloche. Les ennemis, entendant le tocsin, craignirent que les habitants ne se joignissent aux cuirassiers pour leur barrer le passage et les envelopper ; ils rentrèrent précipitamment en ville par la porte de Paris, suivis d'une foule nombreuse qui était sortie pour assister au combat, et qui, les voyant tourner le dos, les talonnait de près et devenait à chaque instant plus menaçante. Les Cosaques se rangèrent en bataille sur la Place ; leur canon, chargé à mitraille, était au coin de la rue des Cuisiniers, la gueule tournée vers la porte de Paris ; deux fois on y mit le feu, deux fois il rata ; braqué sur la foule compacte qui se pressait sous la voûte étroite de la porte, son explosion eût été meurtrière : la Providence nous épargna un horrible malheur. Les cuirassiers avançant toujours, les Cosaques tournèrent bride au grand galop, et décampèrent pour Roye à sept heures du soir. En partant, ils mirent le feu dans les faubourgs de Paris et de Roye, mais on éteignit l'incendie promptement, et il n'y eut aucun dommage à déplorer. Près du bois d'Ételfay, les Cosaques eurent à essuyer des coups de fusil tirés par des gens qui s'y étaient embusqués ; quelques-uns des leurs restèrent sur le terrain. Les prisonniers que les Cosaques avaient faits profitèrent de cette occasion pour se sauver dans le bois de Faverolles, où les ennemis ne songèrent point à les poursuivre. Il était sept heures du soir quand la colonne partie de Beauvais arriva à Montdidier ; elle y entra en poussant de grands cris et en tirant des coups de fusil : on illumina pour la recevoir.

Les Cosaques avaient fait peu de mal ; l'intervention des gens du Beauvaisis faillit nous en causer beaucoup : chacun s'empressa de fournir à leurs besoins, espérant trouver en eux de zélés défenseurs ; mais, dès le lendemain à huit heures du matin, ces paysans indisciplinés se débandèrent ; cuirassiers et gens de la campagne quittèrent Montdidier, emmenant les chevaux et les bêtes à cornes que les Cosaques avaient mis en réquisition, et laissèrent la ville sans défense, plus exposée qu'auparavant au ressentiment de l'ennemi. « Nous n'étions venus que pour chasser les Cosaques, » disaient nos alliés d'une nuit, « ils sont partis, nous nous en retournons. »

Dans son langage pittoresque, le peuple qualifia sévèrement la conduite du général Avisse, et, changeant son nom d'une façon assez étrange, il ne l'appelait que le général Avache. La conduite de cet officier est en effet peu excusable. C'est lui qui avait conçu le projet d'attaque, qui avait engagé le général d'Aigremont à l'appuyer, lui disant qu'il serait dans l'après-dînée du 24 sous les murs de Montdidier. Que ce jour-là, trompé perfidement par des rapports mensongers, il se soit arrêté, la prudence le lui commandait ; mais que le lendemain il ait abandonné la ville aussi précipitamment, départ qui ressemblait plus à une fuite qu'à autre chose, c'est là un fait peu honorable pour sa mémoire. Dans la matinée, on sonna la cloche de la ville pour appeler le peuple à se lever en masse et à marcher sur Roye, mais ce fut inutilement.

Le 25 mars, les Cosaques, pour se venger de l'échec qu'ils venaient d'éprouver, incendièrent le village de Bouchoir, dont les habitants avaient eu l'imprudence d'arrêter quelques-uns des leurs ; l'un d'eux était mort des suites des mauvais traitements que l'on imputait à des individus de cette localité. Les Cosaques investirent Bouchoir, tuèrent plusieurs personnes, firent subir une flagellation cruelle à d'autres, et se retirèrent après avoir mis le feu à la commune. Cinquante-sept maisons furent réduites en cendres ; le dommage ne s'éleva pas à moins de 213,000 francs. Bouchoir s'est bien relevé de ses ruines ; c'est aujourd'hui l'une des plus belles communes de l'arrondissement. Dans cette expédition, les Cosaques éprouvèrent quelques pertes, et laissèrent plusieurs hommes sur la place. Le baron de Geismar fit publier à Roye que l'on eût à profiter de cet exemple ; que si l'on se permettait la moindre violence, il ferait mettre le feu aux quatre coins de la ville.

La situation de Montdidier était extrêmement critique : on avait irrité l'ennemi, et l'on se trouvait sans moyen de lui résister. Il n'y avait pas un instant à perdre : le traitement infligé à Bouchoir était une leçon dont il convenait de tenir compte ; le même sort pouvait nous être réservé. Dans la nuit du 25 au 26 mars, MM. Lefebvre, curé de Saint-Pierre, Dupuy, président de l'assemblée cantonale, et mon père, qui était procureur impérial, partirent pour Roye et allèrent trouver le baron de Geismar ; celui-ci les reçut fort mal, et, pour toute réponse, les congédia en leur disant froidement que la ville serait brûlée.

Dès que cette nouvelle se répandit à Montdidier, l'épouvante fut grande, la majeure partie des habitants se réfugia dans les villages environnants ; toutes les maisons étaient fermées, les portes barricadées. Le- 27 mars, jour de la Passion, les Cosaques, voyant qu'il n'y avait point de troupes du côté de Montdidier, reprirent le chemin de cette ville ; ils voulaient la piller et y mettre le feu : pour exécuter ce dessein ils avaient pris à Roye et apportaient avec eux de la poix, de la résine et d'autres matières inflammables. Dans cette triste conjoncture, MM. Dupuy, Goulliart, négociant, Bajet, gérant de la recette particulière des finances, et mon père, tentèrent un dernier effort ; ils s'avancèrent sur le chemin de Faverolles au-devant du baron de Geismar, et le déterminèrent à entrer avec eux en ville : grâce aux remontrances de ces honorables citoyens, Montdidier fut préservé de l'incendie, mais ne put l'être du pillage : Geismar abandonna la ville pendant une heure à la rapacité de ses soldats, et, il faut le dire à notre honte, des misérables profitèrent du désordre pour s'introduire dans les habitations, et volèrent leurs concitoyens plus que ne le fit l'ennemi. Les Cosaques étaient furieux contre le maire, qu'ils accusaient, mais à tort, d'avoir fait sonner le tocsin trois jours auparavant ; si M. de Fransures ne se fût dérobé à leurs coups, ils l'auraient massacré impitoyablement. Le baron de Geismar alla loger chez M. Dupuy, dont la maison sert aujourd'hui d'hôtel de sous-préfecture ; l'hospitalité généreuse qu'il reçut le disposa en notre faveur, et contribua puissamment à prévenir les désordres que l'ennemi aurait pu commettre. Les Cosaques ne restèrent pas à Montdidier ; ils partirent le lendemain pour aller rejoindre à Compiègne les alliés qui se dirigeaient sur Paris.

La capitale ayant capitulé le 1er avril, un gouvernement provisoire fut établi. Les Bourbons remontèrent sur le trône. Le 9 avril, le drapeau blanc fut arboré à l'hôtel de ville, et un Te Deum fut chanté à Saint-Pierre, en présence des autorités, de la garde nationale et d'une foule enthousiaste : les cris de Vive le roi ! qui depuis si longtemps ne s'étaient fait entendre, éclatèrent de nouveau.

Un peu après Pâques, les Cosaques reparurent à Montdidier ; ils n'y restèrent que trois jours ; des Prussiens vinrent y tenir garnison, et aussitôt leur arrivée, le baron de Geismar delogea avec sa troupe.

Le 29 avril 1814 Louis XVIII, accompagné de la duchesse d'Angoulême, passa à Montdidier sur les deux heures de l'après-midi. Un arc de triomphe avait été élevé en dehors de la porte d'Amiens. Sa Majesté fut reçue par les autorités et complimentée par M. Pucelle, président du tribunal. M. Pucelle avait harangué la déesse de la Raison et l'évêque d'Amiens ; il harangua Napoléon et Louis XVIII. Combien d'autres avaient fait et feront comme lui ! Qui pourrait calculer le nombre de serments et de félicitations dont est capable la conscience de certains fonctionnaires !

La voiture du roi fut dételée et tirée à bras jusqu'à l'hôtel de ville ; toutes les rues sur son passage étaient tendues de blanc ; une simple escorte de gardes d'honneur entourait le monarque ; la foule qui se pressait autour de lui était immense, et faisait retentir l'air de ses acclamations ; c'est à peine si l'on pouvait fendre ses rangs serrés pour ouvrir un passage à Sa Majesté. M. Lefebvre, curé de Saint-Pierre, attendait Louis XVIII à la mairie : ce vénérable vieillard, qui avait près de quatre-vingts ans, lui exprima toute la joie que l'on ressentait de son heureux retour, et, comme un autre Siméon, il s'écria : Maintenant je puis mourir content, j'ai vu mon roi !

Louis XVIII s'arrêta peu d'instants dans nos murs, il venait d'Amiens, et se dirigeait vers Compiègne ; le roi avait débarqué à Calais cinq jours auparavant.

Peu s'en fallut que cette journée ne fût attristée par une rixe sanglante. II y avait à Montdidier des Prussiens qui portaient des branches de buis à leurs shakos. Un détachement de cinquante lanciers, qui précédait le roi et était arrivé deux heures avant lui, vit dans cet ornement une espèce de trophée dont se décoraient les ennemis, et voulut le leur arracher violemment. Les Prussiens résistèrent : les lanciers mirent le sabre à la main, et une lutte allait s'engager, quand les chefs ennemis, prévenus à temps, parurent sur la Place, et donnèrent à leurs soldats l'ordre de retirer les branches de buis de leurs shakos : quelque vive que fût l'irritation de la troupe, elle obéit sur-le-champ. La présence des officiers, et surtout la discipline rigoureuse qui régnait dans l'armée prussienne, empêchèrent une collision déplorable.

Les réquisitions en nature, que la ville fut obligée de fournir aux armées françaises et étrangères pendant les années 1813 et 1814, occasionnèrent aux habitants des dépenses assez fortes ; elles s'élevèrent à plus de 11,000 fr., indépendamment des frais de logement militaire qui étaient considérables. Pendant plusieurs mois Montdidier fut occupé par des Prussiens.

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