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Histoire de Montdidier
Livre II - Chapitre I - Section I

par Victor de Beauvillé

Section I

Fondation de cette église

Sa dépendance du Prieuré

Portail

Clocher

 

Des cinq paroisses que l'on comptait anciennement à Montdidier, une seule, celle de Saint-Pierre, a conservé le titre de cure ; il en est question pour la première fois dans une charte de Thierri, évêque d'Amiens, de l'an 1146 ; son origine remontait cependant à une époque bien antérieure, car, en parlant des oblations que les Bénédictins avaient le droit de recevoir, Thierri s'exprime en ces termes : « De oblationibus vero altaris sancti Petri jam a multis annis statutum est. » Ces mots multis annis, dans un acte de 1146, indiquent clairement que l'église à laquelle ils se rapportent existait dès le onzième siècle.

Il est impossible d'assigner une date quelconque à la fondation de Saint-Pierre ; nous n'avons découvert aucun titre qui puisse mettre sur la voie, et tout ce que l'on dirait à cet égard serait purement conjectural. Dans la charte de 1146, cette église est mentionnée la première entre celles qui relèvent du prieuré : les Bénédictins y jouissaient de droits plus étendus que dans les autres paroisses soumises à leur autorité ; non-seulement l'évêque d'Amiens confirme an prieur de Notre-Dame le patronage de Saint-Pierre, cum altari, et atrio et minuta decima, mais il lui reconnaît aussi le droit de prélever les cinq sixièmes des offrandes que l'on donnait aux messes célébrées pour les vivants, et la moitié de celles que l'on recueillait aux messes des morts. Dans le treizième siècle, ces offrandes s'élevaient annuellement à la somme de 40 à 50 liv. ; 1 liv. de cette époque équivaut environ à 18 fr. de notre monnaie. L'église était encore assujettie à une redevance de 17 sols envers les Bénédictins, comme représentants des chanoines de Saint-Augustin établis avant eux dans la chapelle du château des comtes de Montdidier ; la charte de Thierri énonce cette clause sans en donner le motif : « Ecclesiam sancti Petri cum altari, et atrio, et minuta decima, et censum decem et septem solidorum, quem presbyteri illius ecclesiæ per aliquot annos per benevolentiam canonicorum detinuerunt ; postea vero in præsentia nostra prædictum censum singulis annis se debere persolvere libere recognoverunt. De oblationibus vero altaris sancti Petri jam a multis annis statutum est, ut quinque partes earum que scilicet ad missas pro vivis offeruntur, monachis, sexta vero pars presbyteris cederet ; de his autem quæ ad missas pro defunctis veniunt, vel quæ ipsis presbyteris a parochianis suis in eleemosynam donantur, media pars monachorum, altera presbyterorum erit. » (Gallia christiana, t. XI, Inst. p. 309.)

Les papes Alexandre III en 1173, et Urbain III en 1185, améliorèrent la position précaire des prêtres chargés de desservir l'église ; ils enlevèrent aux Bénédictins le droit de altari, ne leur laissant que celui de atrio ; mais, par compensation, au lieu de la petite dîme que les religieux percevaient jusqu'alors, les mêmes papes leur accordèrent la dîme entière sans réserve. On entendait par droit de altari les dons faits à l'occasion des offices qui se célébraient à l'autel, tels que la messe, etc. ; et par droit de atrio ceux que l'on offrait pour les cérémonies qui avaient lieu dans d'autres parties de l'église, comme les baptêmes et les enterrements.

Le clergé de Saint-Pierre, privé d'une partie des revenus ordinaires, aurait eu beaucoup de peine à subsister, mais le prieur des Bénédictins venait à son aide : il était tenu de payer au curé cinquante-deux setiers et demi de blé par an. Le casuel d'une église constate, jusqu'à un certain point, l'état de prospérité ou de détresse des paroissiens, et peut servir indirectement à faire apprécier la situation d'un pays. Une preuve bien frappante de la décadence de notre ville au quinzième siècle, c'est que le droit pour les baptêmes et enterrements de la paroisse Saint-Pierre, qui s'affermait 24 liv. dans le siècle précédent, était tombé, en 1457, à 60 sols parisis : la population avait diminué d'une manière effrayante.

L'église dont parlent la charte de Thierri et les bulles des papes, n'est pas celle qui subsiste à présent ; le nom seul est resté. Où était située la première église ? quelle était sa forme ? à quelle époque fut-elle démolie ? C'est ce que l'on ignore. L'église actuelle date de la fin du quatorzième siècle : bien que ce ne soit pas un monument considérable, sa construction cependant ne demanda pas moins de deux cents ans.

Le portail est naturellement le premier objet qui frappe les yeux ; malgré les mutilations qu'il a souffertes et qu'il subit encore chaque jour, il mérite de fixer les regards. La disposition en est très-simple : elle consiste en deux tours ou gros piliers-butants réunis par une galerie ; une voûte en cul-de-four, assez profonde, abrite le tympan ; deux portes séparées par un trumeau sculpté donnent accès dans l'intérieur.

Nos ancêtres ne négligèrent rien de ce qui pouvait contribuer à décorer l'entrée de la maison du Seigneur ; les artistes les plus célèbres de la contrée furent appelés à concourir à l'exécution de ce portail, dont on jeta les fondations au mois de février 1538. Chappion, maître maçon qui conduisait les travaux de la cathédrale de Beauvais, avait été mandé pour visiter l'emplacement du nouvel édifice. Il revint une seconde fois, apportant le pourtraict de l'ovraige avec son plain. Jean Mallin, maçon à Montigny, fut son associé. Ce plan et les frais de route, de Beauvais à Montdidier, furent payés 13 liv. 10 sols, ou 44 fr. 80 centimes. Quel est, de nos jours, l'architecte qui consentirait à faire le plan d'un portail pour une pareille somme ? (Pièce just. 62.) Le nom de Chappion ne figure pas dans la Notice que M. Gilbert a publiée sur la cathédrale de Beauvais ; il se borne à citer ceux de Jean Wast, de Martin Cambiche et de François Maréchal ; il faut restituer à Chappion la part qui lui revient dans la construction de ce vaste édifice, resté a jamais incomplet.

Les travaux commencèrent immédiatement : en février et en mars 1538, la fabrique paya 126 liv. 16 sols 5 deniers. La dépense pour les ouvrages de maçonnerie montait, en 1551, à 1,416 liv., ou 7,000 francs. Le 12 mai de cette année, Jean Pinguet et Honoré de Moranviller, marguilliers, firent marché avec « Louis de Cappy et Jehan Quinieres, maçons, demeurans à Montdidier, pour la massonnerie qu'il convient faire au portail de l'église de Saint-Pierre, faire la vaussure et allouers d'iceluy, plus mener et conduire les deux gros pilliers étant à côté de ladite vaussure, l'estanfique faisant la bataille et séparation des deux portes avec tels ouvrages convenables audit estanfique sur lequel et entre lequel et vaussures garnies d'ouvrages historiés selon qu'il sera avisé par les marguilliers, lesdites histoires garnies de toutes images servant à la perfection de l'ouvrage. L'estanfique de dure pierre de Faloise et le surplus des histoires de la meilleure pierre d'Equennoy fait à jour, claires voies et non à pleine massonnerie. La dite vaussure en pierre d'Equennoy chacune en longueur de deux ou trois pieds, icelle vaussure garnie d'histoire de Saint-Pierre, faire plusieurs possessions et chapitaux avec cornettes pendantes, et telles et semblables histoires qui sont faites au portail de Saint-Pierre de Beauvais ou autres ; les deux grands pilliers et autre massonnerie jusques aux carolles de dure pierre de Becquignies et de la pierre qu'on fait le gros pillier servant à faire le clocher : les carolles de pierre d'Equennoy, le creneau tenant servant à icelle carolle et les allouers de dure pierre de Faloise, la massonnerie de cœur de pierre sans blocailles ni moillons, moyennant 14 liv. pour chacune toise sans retour et prisée. »

En examinant la disposition du portail, sa voussure, le trumeau ou estanfique, les deux gros piliers et leurs niches, ainsi que les ornements du tympan, on reconnaît, à ne pas s'y méprendre, le style du portail de Beauvais ; Chappion s'était inspiré évidemment de la cathédrale de cette ville avant de tracer le plan de la façade de l'église de Montdidier. L'exécution fait honneur aux artistes qui en furent chargés. Les 14 liv. par toise auxquelles était évalué l'ouvrage représentent à peu près 42 fr. ; mais ce prix à forfait ne fut pas sans varier, et Jean Quinières et son fils travaillèrent longtemps à la journée, à raison de 7 sols 6 deniers, ou 2 fr. 50 centimes par jour, pour tous les deux.

Le portail a 13m,50 de largeur sur 14 mètres de hauteur. La voûte, couverte de sculpture, offre une grande variété d'ornements : un ruban enroulé, une arcature à claire-voie, un feuillage courant et des moulures prismatiques attirent successivement l'attention. Puis vient, en suivant la courbe de la voûte, une série de dix petits groupes superposés, représentant des sujets tirés de la vie de saint Pierre ; chaque groupe, composé de quatre à cinq personnages de 0m,30 de haut, est traité avec beaucoup de soin ; une seconde arcature à claire-voie, moins grande que la première, entre deux feuillages enroulés, complète l'ornementation de la voûte, et vient s'appuyer contre le tympan.

Le tympan était tout à jour, et formait un réseau orné de jolis vitraux qui avaient été placés en 1571 : ils avaient coûté 25 livres. Dans le dix-septième siècle, l'orgue ayant été transporté de la nef au-dessus de la porte, la verrière se trouva entièrement masquée ; la suppression des vitraux fut la conséquence inévitable de ce changement, mais il était facile de les remplacer d'une manière moins désagréable qu'on ne l'a fait : l'espace qu'ils occupaient a été rempli par des verres blancs, des briques et du plâtre, mélange hideux qui blesse les regards. De petites statuettes garnissaient les intervalles du réseau ; les consoles sur lesquelles elles reposaient sont d'une délicatesse exquise. Le trumeau qui sépare les deux portes est orné de sculptures et d'arabesques ; une niche restée vide attend toujours la statue qu'elle doit recevoir ; d'autres niches allégent les côtés de la voûte et les deux piliers ou tours qui flanquent le portail : les statues qu'elles renfermaient ont été brisées pendant la Révolution. Deux rangs de niches superposées décorent les tours ; celles qui occupent la partie inférieure sont, ainsi que les clochetons qui les couronnent, de style gothique flamboyant ; les niches supérieures, au contraire, sont des derniers temps de la Renaissance ; elles sont terminées par d'élégantes coquilles, surmontées de petits clochetons tréflés. Au-dessus du porche se dresse un fronton en accolade portant sur son rampant des griffons et autres animaux fantastiques ; au milieu de ce fronton on distingue la trace des armes de France entourées du collier de Saint-Michel ; à droite sont deux D réunis, et à gauche trois croissants entrelacés ; ces attributs, qui rappellent le souvenir de Diane de Poitiers, maîtresse de Henri II, sont peu convenables à la porte d'une église.

Le sommet du fronton figurait un large trèfle, dont il reste à peine assez pour donner une idée de la forme primitive. Le chiffre de Diane de Poitiers peut servir à fixer la durée de la construction du portail : commencé en 1538, il dut être terminé en 1559 au plus tard, puisque ce fut le 10 juillet de cette année que mourut Henri II.

Le pilier gauche du portail porte le nom de pilier Saint-Antoine, du nom d'une chapelle placée autrefois dans le bas-côté gauche de l'église ; dans l'intérieur, un escalier conduit à la galerie qui règne au-dessus du porche. Le pilier à droite renferme l'escalier de l'orgue. Ces piliers sont trop gros et hors de proportion avec l'édifice ; ils étaient destinés évidemment à soutenir une poussée plus forte que celle qui existe ; une lourde calotte de pierre les termine, et semble avoir été appliquée pour en finir promptement et se débarrasser au plus tôt de l'ouvrage. Sur cette calotte on aperçoit un écusson entièrement rongé par le temps ; dans le haut se lit la date 1580, au bas est l'inscription suivante : ce. bon : m I : SERT. A trois mètres environ du sommet de ce pilier, la même date est encore gravée sur la pierre. Cette année, la ville alloua à Cosme Bertin, marguillier, 160 liv. pour estre employées à l'ouvrage de massonnerie de la tour commencée en icelle église pour y faire le guet tant de jour que de nuit à la conservation de la ville et du plat pays, suivant la délibération faite en échevinage le 19 juin 1579. Le 15 de ce mois, la ville avait décidé qu'il serait pris 400 liv. sur les octrois pour travailler à cette partie de l'église, mais à charge de remboursement par les marguilliers. Les lettres placées à dessein dans un désordre bizarre, au bas de l'écusson, forment par leur réunion normale le nom du marguillier chargé de la surveillance des travaux : Cosme Bertin.

Le haut des tours n'est pas, à beaucoup près, aussi soigné que la partie inférieure ; en l'examinant, on reconnaît parfaitement l'endroit où s'arrête le plan primitif. Une galerie fermée par une balustrade de pierre à hauteur d'appui, découpée à jour, et enjolivée par une dentelle de pierre qui a presque complétement disparu, établit une communication entre les deux tours. Les eaux se déversaient par deux gargouilles dont une seule subsiste ; derrière cette galerie s'élève le pignon triangulaire qui ferme le comble de l'église.

Le mélange de pierres blanches et jaunâtres employées dans la construction du portail ne prévient pas en sa faveur ; l'uniformité eût été préférable ; cependant, le soir, lorsque les rayons du soleil couchant viennent frapper cette façade, les pierres fortement teintées prennent un ton chaud d'un effet surprenant : le portail paraît tout en feu.

A gauche on voit une fenêtre entièrement dépourvue d'ornements ; un contre-fort décoré, aux deux tiers de sa hauteur, d'une niche dont le dais et le cul-de-lampe dénotent une main habile, termine ce côté de la façade, lequel est surmonté d'une balustrade à jour grossièrement exécutée. A droite du portail se trouve une grande fenêtre inachevée, bouchée par des moellons, et partagée dans sa hauteur par un pilier massif destiné à consolider l'église ; cette fenêtre, écrasée en partie par le portail, produit le plus mauvais effet. Dans l'encoignure d'un contre-fort placé après la fenêtre, on remarque une niche vide, couronnée d'un dais pyramidal fort élevé et refouillé profondément ; ce contre-fort est à redents, comme celui de gauche, et terminé par des pinacles.

L'ensemble de la façade est incorrect, lourd, irrégulier ; il y a des contrastes choquants, plusieurs parties se heurtent et sont incomplètes ; on serait tenté de croire qu'il n'y a jamais eu de plan arrêté, ou, s'il en a existé un, il est hors de doute qu'on ne s'y est pas conformé ; des détails gracieux, une exécution heureuse dans certaines parties, ne suffisent pas pour racheter des défauts par trop saillants.

Le portail de Saint-Pierre est le morceau de sculpture ancienne le plus important de la ville ; malheureusement il est dans un état de dégradation affligeant. On ne prend aucun soin d'en assurer la conservation ; les enfants s'amusent à jeter des pierres dans les niches, et les voisins ne se font pas scrupule de déposer des immondices au-dessous des fenêtres. Lorsqu'en 1842 on construisit les maisons qui occupent le fond de la place, on éteignit de la chaux entre les piliers ; des dépôts de terre et des décombres s'élevèrent pendant des mois entiers contre les murs, salissant, dégradant l'édifice, sans que le conseil de fabrique ni l'autorité municipale se missent en peine de faire cesser une pareille profanation ; ils se rendaient, par leur tolérance coupable, les complices de ce vandalisme.

En examinant le côté droit de la façade, on voit de suite qu'il n'a pas été destiné, dans l'origine, à soutenir le clocher actuel ; cette énorme masse de pierre, que rien ne décore, devait servir de base à une tour qui ne fut jamais entreprise.

Le premier clocher s'élevait, comme à Amiens, au-dessus du transsept ; il avait peu de hauteur. Les habitants, voulant en faire un observatoire d'où l'on pût dominer la campagne, et découvrir en temps de guerre la marche de l'ennemi, résolurent de construire un autre clocher sur une base assez forte pour lui donner une grande élévation ; c'est là ce qui explique la solidité extrême du côté droit de la façade. Cette partie de l'église fut commencée en 1560. Le 9 mars de cette année, on fit marché pour les tranchées et les fondations, et, le 2 juillet 1562, on traita avec des maçons de Caix pour achever le clocher moyennant 50 sols de façon par toise (7 fr. 30 cent.), la chaux à raison de 4 sols le setier, ou 58 centimes. Un compte des dépenses pour l'année 1573-1574, rendu par Antoine Cauvel de Carouge, marguillier, porte qu'en cette année les carriers de Marigny ont tiré trois mille soixante-quatre pieds de pierre de Marigny, à 6 et 8 deniers le pied ; qu'il a été extrait une certaine quantité de pierres des carrières de Ferrières et de Bonvillers, à 12 deniers le pied ; d'Équennoy, à 1 5 deniers, et ce, pour travailler aux clocher et portail de Saint-Pierre de Montdidier pendant les mois de juin, juillet et septembre 1574. La terre coûtait 2 sols 6 deniers le bareult ; la chaux, 7 sols le setier, et les cent seaux d'eau, 20 sols ; le sol de cette époque vaut 13 centimes.

Le 27 août 1578, Henri III donna cinquante pieds d'arbres, à prendre dans les forêts de la Neuville-en-Hez et de la Hérelle, pour réparer la tour de la grande église de Montdidier, en laquelle on fait le guet tant de jour que de nuit. Le 2 mars 1580, il autorisa des corvées sur plus de trente villages des environs pour le parachèvement du portail et du nouveau clocher. Les individus assujettis à cette charge devaient apporter cinq pieds de pierre par chaque cheval, depuis la carrière le Conte jusqu'à Montdidier, avec injonction de prendre les plus gros blocs qu'ils trouveraient hors de la carrière.

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Plus de quarante ans s'écoulèrent avant que ce travail fût terminé. Durant cet intervalle, de grands changements s'étaient opérés dans les esprits. En 1538, les marguilliers font venir de Beauvais un maître de l'ouvrage, et traitent pour avoir tin portail semblable à celui de la cathédrale de cette ville ; en 1580, au contraire, il faut que le roi prescrive des corvées. A l'entraînement succède la contrainte, et ce mot corvée donne de suite l'explication de l'imperfection et de l'inachèvement de l'église. Le malheur des temps y contribua beaucoup ; l'on était au milieu des guerres de religion : catholiques et protestants divisaient la ville et la remplissaient de troubles. Le prêche et le sermon partageaient les consciences : le temple détournait une partie de l'argent qu'en d'autres moments on eût employé à décorer l'église consacrée au culte de ses pères.

Le clocher, qui était au-dessus du transsept, fut supprimé définitivement en 1598. Le 29 octobre de cette année, la fabrique paya 125 liv. pour recouvrir la place du vieil clocher, et faire le beffroy à pendre à la grosse tour des cloches. Nous n'avons trouvé aucun renseignement sur la forme et l'élévation de ce premier clocher. Il avait été restauré en 1475, par des charpentiers de Montdidier et de la Hérelle ; on avait acheté les ardoises à Jacquemart, marchand, demeurant à Beaumont en Hainaut ; il fut couvert par un nommé Simon Marot, de Wallecourt, comté de Namur. (Pièce just. 63.) Au premier abord, il semble étonnant qu'on ait été chercher aussi loin un couvreur et des ardoises ; mais les relations nombreuses qui existaient à cette époque entre la Picardie et les différentes provinces soumises au duc de Bourgogne rendent le fait moins extraordinaire. On voyait encore en 1713 quelques vestiges de ce clocher : dans un mémoire de réparations faites cette année à la couverture par Antoine Fouloy, figure l'article suivant : « Plus nous avons démoly par l'ordre desdits sieur de Méricourt et Sagnier deux vieux pans de murailles de sept pieds de haut chacun, dont un avoit dix-huit à vingt pieds de long et l'autre sept à huit pieds qui estoient sur la voutte au dessus de la grille où estoit autrefois l'ancien clocher et qui pouvoient bien endommager ladite voutte par leur pesanteur suivant l'avis des gens du métier. »

Le second clocher datait du seizième siècle. Le 31 mai 1598, les habitants prirent la résolution de s'imposer une contribution de 300 liv. pour : « faire et parachever le beffroy nécessaire à faire en ladite église pour y mettre ceux qui sont commis à faire la garde de jour et de nuit pour la conservation de la ville, ensemble pour y remettre les cloches estant au vieil clocher qui menace ruine, et à cet effet obtenir lettres d'assiette du roy. » Le 25 juillet de la même année, François de la Marthonie, évêque d'Amiens, vint faire la bénédiction du clocher, dont Scellier nous a conservé le dessin dans ses Mémoires ; c'est d'après lui que nous avons fait exécuter la planche que nous mettons sous les yeux du lecteur.

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La base était carrée et percée d'ouïes, pour laisser échapper le son des cloches ; une galerie régnait au-dessus. A partir de ce point, le clocher était en forme de vis ; à une certaine hauteur se trouvait sur chaque face une fenêtre surmontée d'un épi, puis venait une petite galerie suivant le mouvement de spirale du clocher ; une seconde rangée de fenêtres semblables à celles du bas lui donnait une physionomie singulière ; la croix, et le coq, attribut de saint Pierre, s'élevaient au sommet ; du pavé jusqu'en haut, il y avait cent soixante-cinq pieds. En 1656, on renouvela entièrement la première galerie ; plusieurs personnes émirent alors l'avis d'abattre le clocher de bois, et, au lieu de réparations coûteuses, de reconstruire un clocher de pierre. On fut effrayé de la dépense, évaluée à 12,000 liv., et l'on fut encore retenu par cette considération, que le clocher proposé n'aurait pas plus de hauteur que l'ancien, qui s'apercevait à une grande distance.

Le second clocher fut démoli dans le siècle dernier ; son état de délabrement nécessita cette mesure. Celui que nous voyons aujourd'hui est le troisième, et probablement il ne sera pas le dernier ; il a été construit par Sénéchal, charpentier à Montdidier, sous la direction de M. Mouret, ancien officier de la reine. La base, revêtue d'ardoise, ressemble à une énorme boite carrée ; les abat-vent trop ouverts laissent pénétrer la pluie et la neige ; la coupole est allongée et terminée par un campanile octogone au-dessus duquel apparaissent la croix et le coq. De loin ce clocher est assez satisfaisant, mais de près il n'en est pas de même : rien de disgracieux comme la partie inférieure ; il aurait fallu la dégager, et éviter de la faire peser aussi lourdement sur la tour. Du pavé au coq on compte 46m,23 centimètres. Anciennement le coq et la croix étaient dorés. Ce clocher, commencé au mois d'août 1742 et achevé l'année suivante, a coûté 16,000 livres. Il est entré dans sa construction quatre cent soixante-deux solives, de six pieds de long sur huit à neuf pouces de largeur, et du prix de 5 liv. chacune ; elles proviennent du bois de Maignelay.

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