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Histoire de Montdidier
Livre II - Chapitre II - Section V

par Victor de Beauvillé

Section V

Fonts baptismaux

Chapelle du Saint-Sépulcre

Ecce homo

 

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Dans le bas côté droit, immédiatement en entrant, se trouvent les fonts baptismaux ; ils étaient autrefois dans la nef où ils gênaient la circulation et empêchaient de prolonger jusqu'au bas de l'église les bancs destinés aux femmes, car jusque dans le siècle dernier il n'y eut pas de chaises, mais simplement des bancs comme à la campagne ; les chaises sont une concession moderne faite à notre mollesse. Afin de se conformer au rituel de François Faure, évêque d'Amiens, qui ordonnait que les fonts baptismaux fussent le plus près possible du portail, et qu'il y eût quelques degrés pour y monter, ainsi qu'une balustrade pour les fermer, les fonts baptismaux furent transportés en 1688 à la place qu'ils occupent. C'est pour couvrir les frais de ce déplacement qu'on a dépensé les 45 liv. dont Scellier parle dans ses Mémoires ; ceux qui, d'après lui, ont écrit que le baptistère du Sépulcre avait coûté 45 liv., se sont grandement trompés, car cette dépense, faite en 1688, ne peut s'appliquer au baptistère, qui est d'une époque antérieure (1539). Les fonts baptismaux de pierre de la Faloise, ont les angles de la cuvette arrondis ; il s'en détache de gracieux pendentifs qui présentent de l'analogie avec un chapiteau renversé ; des ornements de feuillage et des cartouches décorent les quatre côtés. Autour de la cuve on lit :

Je fuz chy mie et assy neuf en lain mil vcxxxix.

Le piédestal est rond et renflé vers le bas ; il est entouré de guirlandes ; aux quatre angles de la base se trouvent des sculptures fort endommagées par le pied des curieux ; on y reconnaît encore un griffon, un monstre moitié homme, moitié animal fantastique, s'appuyant sur un bâton, et un ange soufflant dans une trompette. M. Goze est dans l'erreur lorsqu'il avance que ce sont les emblèmes très frustes des quatre évangélistes. Malgré les mutilations qu'ils ont subies, ces fonts baptismaux sont fort appréciés par les amateurs ; c'est une charmante production de la Renaissance. Des fonts ayant quelque ressemblance avec ceux du Sépulcre se voient dans l'église de Piennes, près de Montdidier.

A côté du baptistère on remarque une pierre en forme de tableau arrondi par le haut, de 1m,40 de largeur sur 1m,93 de hauteur ; elle représente la sainte Vierge entourée de ses attributs : la tour, le cèdre, la porte, le miroir, avec leurs noms latins, turris Dei, cedrus exaltata, porta coeli, speculum justitiae ; la fontaine, fons signatus, est figurée par trois enfants qui pissent. Ce morceau provient, dit-on, de la première église du Sépulcre ; des badigeonnages répétés lui ont ôté une partie de son mérite. M. Dusevel prétend y voir la sainte Vierge environnée d'astres, au milieu du ciel, dans une gloire lumineuse, planant au-dessus de la terre, dont on aperçoit les villes et les campagnes. Le Père éternel occupe le haut du tableau, il bénit sa fille bien-aimée ; sur un phylactère qui se déroule devant lui, est écrit :

Tota pulchra es amica mea et macula non est in te.

Au-dessus du lambris, on voit une statue peinte de saint Firmin portant sa tête entre les mains ; sur le socle se lit la date 1588. La verrière à côté avait été donnée par Firmin Prudhomme et sa femme, qui laissèrent une somme de 24 sols pour leur obit.

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Une église placée sous le vocable du Saint-Sépulcre devait nécessairement offrir une représentation monumentale du tombeau où fut renfermé le corps de notre Sauveur. Au fond du bas côté droit, parallèlement à la chapelle de la Vierge, se trouve la chapelle du Sépulcre fondée en 1549, par Godefroy de Baillon, garde du scel royal, conseiller au bailliage, ancien maïeur de Montdidier, seigneur d'Esclainvillers en partie, du chef de sa femme Jeanne de Sericourt, dame d'Esclainvillers. Au-dessus de l'arcade qui dessine l'entrée de la chapelle on remarque un Ecce Homo justement admiré ; l'expression de la figure et le modelé du corps sont d'une exécution parfaite ; la douleur et la souffrance sont rendues de la manière la plus saisissante. Derrière cet Ecce Homo est un encadrement de pierre, sculpté dans le style de la Renaissance ; on y voit le pélican et le phénix, symboles de la charité chrétienne et de l'immortalité de l'âme, confondus avec des chimères vomissant des flammes, des salamandres et des amours bandant leur arc, mélange d'idées païennes et chrétiennes fort peu en rapport avec les souffrances de l'Homme-Dieu. Le Christ est assis sur des roseaux ; ses pieds reposent sur une console fouillée à jour. Deux pilastres ornés de légères arabesques, surmontés de deux anges portant les instruments de la Passion, encadrent cette belle composition, qui est couronnée par un ornement tréflé et feuillé, entrecoupé de griffons travaillés avec une rare perfection. Cet ouvrage est, dans son genre, ce que notre ville renferme de plus parfait ; la conservation ne laisse rien à désirer, mais à force de le blanchir on a fini par faire disparaître en quelques endroits la délicatesse du travail. Cet Ecce Homo et son entourage ont 3m,33 de hauteur sur 1m,63 de largeur.

La voûte intérieure de la chapelle est très surbaissée ; elle est en arête à nervures multipliées ; au point de jonction des liernes et des tiercerons, il y a des écussons où étaient peintes les armes des de Baillon ; au lieu de clef de voûte on a ménagé une ouverture losangée assez large pour permettre à un homme d'y passer ; on ne voit pas quelle peut être son utilité. L'enfoncement dans lequel est placé le tombeau était moins éclairé anciennement qu'il ne l'est à présent ; l'arceau qui servait de fermeture descendait jusqu'à six pieds de terre ; en 1763, pour mettre le sépulcre plus à découvert, et afin d'y adosser un autel où l'on pût célébrer la messe, l'Ecce Homo et son encadrement furent relevés de trois pieds environ et mis à la place qu'ils occupent maintenant. [cf.SUPPLÉMENT]

Le groupe du Christ au tombeau est loin de répondre à l'Ecce Homo ; il semble que, dans la reproduction de cette scène religieuse, on ait toujours voulu donner aux personnages une roideur traditionnelle ; au seizième siècle la sculpture avait complétement abandonné la dureté de style qu'on y remarque. Quelle différence de l'Ecce Homo avec les figures du tombeau ! Cependant le sépulcre de notre ville est un de ceux où le défaut d'expression des figures et l'inanimation de la pose se font le moins sentir.

Godefroy de Baillon ne put terminer la chapelle qu'il avait commencée : il mourut le 4 octobre 1552 ; ce fut son fils Pierre de Baillon qui l'acheva en 1582. Il est représenté au-devant du sépulcre avec Marguerite de la Morlière, sa femme, tous deux agenouillés devant un prie-Dieu chargé de leurs armoiries. La devise de Pierre de Baillon était : Je l'ay empris, bien advienne. Il porte : Ecartelé, au premier et au quatrième, d'argent, à la croix de gueules, chargée de cinq coquilles d'or ; au second et au troisième, d'argent, à trois barres d'azur. Les armes de sa femme sont : De gueules, au chevron d'or, avec un croissant d'argent en pointe.

La chapelle du Sépulcre servait de lieu de sépulture aux membres de cette famille. Sur une large dalle, à l'entrée, on lit une épitaphe en lettres gothiques, ainsi conçue :

Cy gisent Jehan De Baillon, Godefroy de Baillon son fils et pierre de Baillon fils dernier du dict Godefroy et de damoiselle Jehanne D'Esclainviller à cause d'elle seigneur des fiefs et mairye, Desclainviller eulx vivants, maieur pendant plusieurs années de la ville de Mondidier quis trespasserent le dict Jehan le 14ème mars 1535, ledict Godefroy le 4ème octobre 1552 et le dict Pierre deceddé maieur de la dicte ville De Mondidier le 5ème mars 1585. priez Dieu pour eulx. Jesus. Maria.

Salvos fac nos Domine quoniam in te speravimus.

Au pied de cette tombe on voit une autre pierre sépulcrale fort endommagée ; ce n'est qu'à grand'peine qu'on y déchiffre l'inscription suivante, également en caractères gothiques :

En l'an mil vciiiixxii honorable homme pierre de Baillon, seigneur du fief et Merie d'Esclainviller ancien maieur.  .  .  .  .  et damoiselle Sebastienne de Montenescourt comme femme m'ont faict faire priez dieu pour.  .  .  .

Sur une tombe, près du bénitier, à gauche en entrant dans l'église, on lisait il y a peu d'années l'inscription suivante aujourd'hui effacée en partie :

Cy gist damoiselle Marie Bourson, qui a été femme de Jehan de Baillon, conseiller du roi à Mondidier décédée le iiie jour davril : 1576 : priez dieu pour son âme.

Les de Baillon doivent être rangés parmi les principaux bienfaiteurs de l'église. En 1516, Jean de Baillon donna la quatrième vitre à droite en entrant ; elle représentait le Martyre de sainte Barbe. L'arche du portail fut construite aux frais de son fils Godefroy ; ce fut ce dernier qui, en 1549, de concert avec Jeanne d'Esclainvillers, sa femme, fit faire l'Ecce Homo ; la même année, conjointement avec Jean de Baillon, son fils, chanoine de Laon et curé du Sépulcre, il donna la verrière du milieu du chœur. Pierre de Baillon suivit l'exemple de ses parents ; il acheva le tombeau et garnit d'une vitre en grisaille la petite fenêtre qui l'éclaire. Le souvenir de pareils actes de munificence mérite d'être conservé. La famille de Baillon était originaire de Saint-Pol en Artois. Jean de Baillon, garde du scel et maire de Montdidier en 1510, était venu s'établir dans notre ville après la mort de Charles le Téméraire ; il épousa Marie Guérard, fille de Jean Guérard, bourgeois de Montdidier. Godefroy et Pierre, ses enfants, furent successivement maïeurs : le dernier mourut dans l'exercice de sa charge en 1584 ; plusieurs de leurs descendants exercèrent également cette importante fonction, le barreau et la magistrature les comptèrent avec orgueil dans leurs rangs. Le dernier chef de cette famille fut Jean de Baillon, avocat au bailliage de 1700 à 1740 ; il quitta sa patrie en 1742 pour se fixer à Paris, où il acheta une charge de conseiller en la cour des monnaies ; il avait épousé Thérèse de Bertin, fille de François de Bertin, lieutenant général au bailliage.

Le transsept est éclairé par deux hautes fenêtres qui ont conservé leurs meneaux et leur tympan.

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