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Histoire de Montdidier
Livre II - Chapitre IV - § IV

par Victor de Beauvillé

§ IV

Sous-préfecture

 

La ville de Montdidier est le chef-lieu d'un arrondissement comprenant 923 kilomètres carrés ou 92,349 hectares, cinq cantons, cent quarante-quatre communes et une population de 68,124 habitants. Le chiffre de la population a varié. On comptait 61,653 habitants en 1795, 66,265 en 1806, 65,621 en 1811, 70,065 en 1845, et 69,455 en 1851. La diminution constatée par les deux derniers recensements doit être attribuée aux maladies épidémiques qui ont désolé plusieurs communes, au préjudice que le canton de Roye éprouve depuis l'abandon de la route de Flandre, et surtout au courant fâcheux qui entraîne les populations rurales vers les grandes villes, pour lesquelles on ne recule devant aucun sacrifice, tandis que des privations de toute nature sont le partage des malheureux habitants de la campagne.

Lors de la division de la France en départements, en 1790, le district (arrondissement) de Montdidier fut divisé en onze cantons, dont les chefs-lieux étaient : Ailly, Aubvillers, Cayeux, Hangest, Laboissière, Lawarde, Méharicourt, Montdidier, Moreuil, Rethonvillers et Roye. Cette division fut changée presque aussitôt, et remplacée par la suivante : Ailly, Aubvillers, Hangest, Harbonnières, Montdidier, Moreuil, Rethonvillers, Rosières et Roye. Le chef-lieu du canton de Cayeux fut transféré à Harbonnières, et celui de Méharicourt à Rosières ; le canton de Laboissière fut fondu dans ceux de Roye et de Montdidier, et celui de Lawarde dans le canton d'Ailly.

Le district était administré par un conseil et par un directoire ; on peut consulter à cet égard la loi de janvier 1790. Le fameux Babeuf fit pendant quelque temps partie de notre directoire ; il fut obligé de quitter le pays, à la suite d'un faux qu'il avait commis dans l'adjudication de la ferme de Fontaine, propriété de l'ordre de Malte (Pièce just. 80). Babeuf avait été élevé par les soins de madame de Soyecourt, qui le destinait à l'état ecclésiastique ; elle s'était bien trompée sur la vocation de son protégé. Grégoire, dans son Histoire de Roye, donne quelques détails sur ce personnage.

Sous le Consulat, les districts et les directoires furent remplacés par les arrondissements et les sous-préfectures. C'est à la loi du 17 février 1800 que la sous-préfecture de Montdidier doit son existence ; les cantons qui composaient sa circonscription furent d'abord les mêmes que ceux du district, mais cette division trop multipliée fut restreinte le 8 octobre 1801, et le nombre des cantons réduit aux cinq actuels : Ailly, Montdidier, Moreuil, Rosières et Roye.

Avant la Révolution, la place de sous-préfet était remplie par un fonctionnaire relevant de l'intendant de Picardie, qui prenait le titre de subdélégué. L'établissement du district donna lieu à de grandes contestations entre Roye et Montdidier. Le décret de l'Assemblée nationale du 30 janvier 1790 portait : Sauf à l'égard de cette dernière ville à partager, s'il y a lieu, avec la ville de Roye les établissements qui pourraient être créés dans ce district. C'était un brandon de discorde jeté entre deux villes déjà très-animées l'une contre l'autre : la politique s'en mêla ; l'Assemblée nationale fut assaillie de réclamations ; de nombreuses brochures furent publiées, dans lesquelles chaque ville s'efforçait de faire prévaloir ses droits. Roye finit et devait, malgré toutes les raisons alléguées en sa faveur, finir par succomber. La République et l'Empire ne purent faire oublier à cette ville qu'elle avait été autrefois plus qu'un simple chef-lieu de canton ; en 1815, elle s'adressa au roi pour obtenir que la sous-préfecture et le tribunal fussent transportés dans son sein. Sa demande fut infructueuse. C'est maintenant un procès à jamais perdu pour elle ; cependant, à tous les changements de gouvernement, les habitants de Roye renouvellent leurs instances ; chaque élection de député les fait tressaillir et leur inspire les espérances les plus chimériques : ils en sont pour leur vote. L'expérience qu'ils en ont faite aurait dû leur ouvrir les yeux et les rendre moins confiants dans les promesses électorales. La rivalité qui existe entre Roye et Montdidier est très-regrettable ; elle est funeste à ces deux villes, et préjudiciable aux intérêts de l'arrondissement : au lieu de se jalouser mutuellement, ne feraient-elles pas mieux de s'entr'aider, et de se rappeler la fable de l'Aveugle et le Paralytique ?

Le département a acquis en 1842, moyennant 32,000 francs, une maison située rue des Juifs, et destinée à servir définitivement d'hôtel de sous-préfecture ; elle est grande, solidement bâtie, et renferme un logement spacieux ; mais les bureaux, placés au premier étage, sont trop exigus. Dans ces dernières années, des travaux dispendieux ont été exécutés à la sous-préfecture, toujours aux dépens des contribuables ; l'obligation de loger les sous-préfets est une détestable mesure financière, qui grève lourdement le budget départemental. Autrefois les sous-préfets n'étaient pas logés ; cependant on n'en manquait pas, et le service était loin de souffrir : aujourd'hui on les loge, on les meuble, et on a augmenté leur traitement : où s'arrêtera-t-on ?

Au début de la seconde république, il fut question de supprimer les sous-préfectures. A n'envisager que l'intérêt de Montdidier, cette mesure serait très-fâcheuse ; mais, au point de vue général, son utilité est incontestable. Les sous-préfectures ne servent qu'à retarder l'expédition des affaires et à multiplier les lenteurs bureaucratiques ; il vaudrait mieux augmenter le personnel des employés de préfecture, puisque c'est là que les affaires reçoivent leur solution. Que l'on donne aux sous-préfets une autorité réelle, qu'ils puissent agir sans être constamment obligés de recourir à l'approbation du préfet, sinon qu'on les supprime ; car, dans l'état actuel des choses, ce sont des fonctionnaires revêtus d'un titre sans valeur, et qui compliquent inutilement le rouage administratif, déjà trop tendu. L'arrondissement de Montdidier a eu rarement à se féliciter du talent des personnes appelées à le diriger ; par une fatalité déplorable, l'administrateur le plus laborieux que notre pays ait possédé, et en même temps le plus dévoué aux intérêts publics, fut précisément celui qui resta le moins longtemps aux affaires.

Pour entrer dans l'administration, on serait tenté de croire qu'il ne faut rien savoir : on n'exige aucune garantie préalable ; pas d'examen, pas de concours ; on ne demande ni certificat d'étude, ni diplôme, ni surnumérariat ; il semble qu'il soit plus facile de gouverner un département que d'être percepteur, commis à cheval, huissier, ou instituteur communal ; la carrière administrative, par une exception que rien ne justifie, est aujourd'hui presque la seule où l'on ne s'assure pas de la capacité des aspirants. Nous ne nous étendrons pas davantage sur ce sujet ; les réflexions se présentent d'elles-mêmes à l'esprit du lecteur.

Le gouvernement provisoire avait décrété, en 1848, la création d'une école d'administration : c'était une excellente idée, et le grand nombre de jeunes gens qui demandèrent à y être admis témoigne de la sympathie que cette institution avait rencontrée dans le pays ; mais, en 1849, l'Assemblée législative ferma l'école, et, par cet acte d'omnipotence, autorisa à penser que, pour être administrateur, il était parfaitement inutile de connaître l'administration. L'Assemblée législative, par sa triste impuissance, semblait avoir pris à tâche de faire oublier la faiblesse de la Constituante.

En 1848, on avait songé à remplacer les préfets par des membres du conseil général, qui auraient été désignés par leurs collègues, et auraient exercé gratuitement et pendant un temps déterminé les fonctions attribuées aux préfets. Ce projet avait le double avantage de réaliser des économies dont les contribuables se seraient fort bien trouvés, et de placer à la tête des départements des hommes expérimentés, pris dans leur sein, et parfaitement au courant de leurs besoins ; mais nous sommes dans un siècle où il faut des places et des traitements. Les révolutions n'ont pas d'autres causes ; ce n'est pas le peuple qui les desire : quel profit en tire-t-il ? On se sert de son nom pour arriver, et rien de plus. Veut-on avoir la tranquillité, être délivré des intrigants qui agitent les masses et sont des instruments de troubles continuels ? Qu'on retranche la moitié des fonctionnaires, et qu'on réduise leur traitement : je garantis l'infaillibilité du remède : l'expérience au moins ne sera pas coûteuse. Écartez le mobile qui fait agir les mécontents, à l'instant ils se tiendront en repos : les révolutionnaires ne sont que des solliciteurs éconduits et impatients, qui entrevoient, dans la perspective d'un bouleversement, des chances d'avancement plus rapides.

Au lieu de restreindre le nombre excessif des emplois publics, on les multiplie et on augmente les appointements ; c'est propager l'incendie au lieu de l'étouffer. Le nombre des fonctionnaires, en 1854, s'élevait, d'après le rapport fait au corps législatif, à deux cent trente mille, coûtant au budget trois cents millions de francs ! C'est une lèpre effroyable qui menace de dévorer toutes les ressources de l'État, sans compter les retraites, dont le chiffre toujours croissant aggrave encore les charges qui pèsent sur le pays. Le désir immodéré des emplois publics est le fléau de l'époque. Le pouvoir croit s'attacher les fonctionnaires en les gorgeant de faveurs : illusion déplorable ! Les fonctionnaires n'ont jamais sauvé un gouvernement ; ils ont des félicitations pour tous et ne pensent qu'à eux ; l'histoire, depuis soixante ans, en a fourni assez d'exemples ; bien aveugles les souverains qui comptent sur la fidélité de leurs salariés.

Les diverses administrations qui existent à Montdidier sont les mêmes que l'on trouve dans beaucoup d'autres villes ; aussi n'en parlerons-nous pas. Nous n'apprendrions rien au lecteur en disant qu'il y a un receveur particulier des finances, un conservateur des hypothèques, un archiprêtre, un directeur des postes, un vérificateur des poids et mesures, un receveur et un vérificateur de l'enregistrement, un inspecteur des écoles primaires, et autres choses aussi peu intéressantes ; il suffit d'ouvrir un almanach pour acquérir ces notions. L'uniformité étant la règle fondamentale de nos institutions, il y a plus de cent chefs-lieux d'arrondissement où les services publics sont organisés comme à Montdidier.

LISTE DES SOUS-PRÉFETS.

1800-1815. Lendormy.
1815-1824. Dragon de Gomiécourt.
1824-1830. Bosquillon d'Aubercourt.
1830-1848. Aubert de Montoviller.
1848-1856. Deviefville des Essars, commissaire du gouvernement provisoire, maintenu en qualité de sous-préfet.
1856. — Larribe.

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