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Histoire de Montdidier
Livre II - Chapitre VII - § II - Section V

par Victor de Beauvillé

Section V

Anciennes mesures

Valeurs diverses

Caisse d'épargne

Réflexions générales

 

Nous nous sommes servi plusieurs fois, dans cet ouvrage, des désignations anciennes concernant les poids et mesures ; en voici la nomenclature générale, avec leur conversion en mesures nouvelles.

Le lot contenait 1 litre 27 centilitres ;

Le boisseau, 3 lots et demi ou 4 litres 368 millilitres ;

Le setier, 12 boisseaux ou 52 litres 416 millilitres ;

Le muid, 12 setiers ou 6 hectolitres 28 litres 99 centilitres ;

Le setier de blé pesait 78 livres 9 onces, ou 33 kilogr. 684 gr. ; celui d'avoine, 67 livres 2 onces ou 28 kilogr. 758 grammes. Le setier de blé, moins fort que le setier d'avoine, était composé de 12 boisseaux, contenant chacun 3 lots un tiers, ou 50 litres 767 millilitres ; le setier d'avoine comprenait aussi 12 boisseaux, mais chacun d'eux contenait 5 lots, de sorte que le setier d'avoine équivalait à 76 litres 16 centilitres. Depuis la conversion des mesures anciennes en mesures métriques, on a pris l'habitude de compter le setier de blé à 52 litres 416 millilitres, et le setier d'avoine à 79 litres 403 millilitres ; c'est d'après ce calcul qu'est établie la mercuriale des grains rapportée aux Pièces justificatives. Le sac de blé renfermait 3 setiers et demi ; il a été réduit à 1 hectolitre et demi en 1852.

La quenne contenait 1 litre 90 centilitres ;

La pinte, 32 centilitres ;

La livre pesait 14 onces, ou 4 hectogrammes 28 grammes ;

Le pied, divisé en 11 pouces, équivalait à 297 millimètres ;

L'aune avait 2 pieds 8 pouces ; elle représentait 812 millimètres ;

La verge, mesure de superficie, se composait de 22 pieds carrés, à raison de 11 pouces par pied ; elle équivaut à 42 centiares 914 milliares.

Le journal comprenait 100 verges, ou 42 ares 91 centiares 4 milliares.

Deux mesures étaient en usage pour les terres, celle du bailliage et celle de la prévôté, qu'on appelait l'ancienne mesure. Le journal du bailliage, de 100 verges, représentant 42 ares 91 cent. 4 mill., était seul usité à Montdidier. Mais dans différentes communes environnantes, à Ayencourt, à Fontaine, etc., on se servait du journal de la prévôté. Il se composait, comme l'autre, de 100 verges, de 22 pieds par verge ; mais le pied, au lieu d'avoir 11 pouces, n'avait que 10 pouces deux tiers, ce qui fait une différence sensible ainsi le journal de 100 verges de la prévôté, comparé à celui du bailliage, ne représentait que 94 verges un sixième de ce dernier. Lors de la conversion des mesures anciennes en mesures métriques, les officiers ministériels de Montdidier ne tinrent pas assez compte de cette différence ; presque tous calculèrent le journal de 100 verges sur le pied de celui du bailliage, qui était le plus généralement adopté, et ils transformèrent indistinctement les journaux de diverses contenances en pièces de terre de 42 ares 91 cent. 4 mill., tandis qu'il y en avait un grand nombre qui ne devaient comprendre que 40 ares 33 centiares. Cette manière de compter inexacte a été cause d'une foule de difficultés.

La corde de bois avait 4 pieds de roi de hauteur et 8 pieds de longueur, soit 1 mètre 299 mill. de hauteur sur 2 mètres 598 mill. de longueur ; elle équivaut par conséquent à 4 stères 387 millistères.

Le poids moyen d'un hectolitre de blé de première qualité est de 76 kilogr. 58 milligr. ; celui du blé muison, composé de deux tiers de blé et d'un tiers de seigle, est de 74 kilogr. 115 milligr. ; enfin celui du blé méteil, moitié blé, moitié seigle, de 72 kilogr. 492 milligrammes. L'Almanach de Picardie de 1776 donne des détails très-étendus sur les anciennes mesures en usage dans le bailliage de Montdidier.

Dans le cours de notre Histoire, nous avons indiqué souvent le prix de certains objets, et quelquefois nous avons opéré la conversion en monnaie actuelle. Cette conversion est approximative ; les personnes qui s'occupent de numismatique savent qu'il est impossible de fixer d'une manière certaine la valeur ancienne de l'argent, comparée avec sa valeur actuelle. Dupré de Saint-Maur, dans son Essai sur la monnaie, s'est livré sur ce sujet à des calculs intéressants, et son ouvrage présente les rapprochements les plus bizarres. Aux exemples que nous avons cités ajoutons les suivants : en 1402, un chapon valait 18s. ; une livre de cire, 3 cl. ; le lot de vin, 5 deniers. En 1493, une charretée de bois se vendait 12 s. ; un quarteron de fagots, 3 s. ; deux douzaines de pains et six lots de vin, 10 sols. En 1195, le cent de carreaux pour bâtir, venant de la carrière du Forestel valait 5 s. ; la chaux, 11 s. le muid. Un homme avec un tombereau à trois chevaux gagnait 7 s. par jour. En 1518, le pied de pierre de la Faloise valait 2 s. 6 d. rendu à Montdidier ; le millier de grès venant d'Ognoles, 3 liv. 2 sols. En 1522, le mille de briques valait de 30 à 34 s. ; le muid de chaux, 20 s. La pierre de Mortemer coûtait 1 s. le pied en 1562. En 1571, la toise de maçonnerie se payait 37 s. ; le mille de briques, 5 liv. ; le setier de chaux, 4 s. ; le tombereau de moellons, 15 d. ; celui de terre autant ; l'eau pour faire le mortier se vendait 1 s. les cent seaux.

Le salaire de la main-d'œuvre était en rapport avec le prix des denrées. En 1547, on payait 2 s. par jour au manouvrier occupé à extraire de la pierre ; cent ans plus tard (1655), on donna 28 liv. à Duval et à son fils pour avoir travaillé pendant vingt-huit jours à arracher des pavés à la chaussée de la porte d'Amiens. En 1790, la journée des manœuvres était de 15 s. ; celle des ouvriers travaillant à la terre, de 20 s. ; les ouvriers en bâtiment gagnaient 30 sols. Dans ces dernières années, le prix de la main-d'œuvre a été sensiblement augmenté. Les menuisiers et maçons gagnent 2 fr. 50 cent. ; les couvreurs et charpentiers, 2 fr. 25 cent. ; les manouvriers, 1 fr. 50 cent. ; les cordonniers, vanniers, etc., de 1 fr. 50 cent. à 2 francs. La journée d'une femme qui travaille aux champs varie de 90 cent. à 1 fr. 25 cent., suivant la saison ; les enfants reçoivent de 75 à 90 centimes par jour.

L'ouvrier, dont le salaire a décuplé, n'est pas plus à son aise qu'il ne l'était jadis : tout a subi une hausse proportionnée. Le manœuvre qui gagne aujourd'hui 1 fr. 50 cent. est aussi nécessiteux que celui qui recevait 2 sols il y a trois cents ans ; il est peut-être même plus à plaindre, car il s'est créé des besoins que l'autre ignorait. Ce serait bien inutile de faire ici le procès à la pipe et au cabaret : l'ordre et la tempérance sont deux qualités malheureusement antipathiques à la grande majorité de la classe ouvrière.

Un décret du 3 mars 1854 a fondé une caisse d'épargne à Montdidier, elle a été ouverte le 6 mai de la même année ; jusque-là nous relevions de celle d'Amiens. Cette institution est en progrès. En 1856, malgré la guerre, les emprunts et la cherté des vivres, il a été reçu 110,946 fr. 70 centimes. Les remboursements se sont élevés à 114,784 fr. 67 centimes. Au 31 décembre 1856 il restait dû à sept cent quatre-vingt-dix-neuf déposants la somme de 265,418 fr. 47 centimes. II est vrai que, parmi les déposants, quelques-uns sont dans une position supérieure à celle des individus pour lesquels les caisses d'épargne ont été instituées ; mais il ne faut pas s'en plaindre, si leur exemple peut engager les ouvriers à les imiter.

Montdidier n'a aucun commerce : rien ne l'anime, rien ne le vivifie ; cependant, depuis peu, l'établissement de la fabrique de sucre est venu le tirer de sa langueur habituelle. La ville est-elle dans des conditions différentes de celles des pays qui l'environnent ? Les cantons de Moreuil et de Rosières sont des centres considérables d'industrie : la fabrication des tissus de laine, la bonneterie, la ganterie, y donnent lieu a un mouvement d'affaires très-important. Ces cantons ont-ils sur notre cité des avantages particuliers ? Sont-ils en possession de cours d'eau puissants, de chemins de fer, de routes fréquentées ? Non. Le Santerre est dépourvu de ces avantages, et cependant il est peu de contrées aussi industrieuses. Nous ne voulons pas revenir sur un sujet trop pénible, et exposer de nouveau les causes de notre infériorité ; nous avons eu déjà l'occasion d'en parler dans divers endroits de cet ouvrage. Les critiques, quelquefois rigoureuses, que nous avons été dans le cas de faire, sont le résultat d'un examen attentif ; les appréciations sur les habitudes et les défauts d'une partie de la population ne sont pas le fait d'un esprit chagrin, d'un censeur morose, elles nous ont été inspirées par un sentiment d'affection profonde pour notre pays, et par le désir sincère de le voir entrer dans une voie meilleure.

En France, il faut le dire, la classe élevée ne donne pas, au peuple l'exemple du travail, et la classe intermédiaire, qui devrait mettre le commerce et l'agriculture en honneur, trop souvent fait défaut au rôle qu'elle est appelée à remplir. A peine les personnes qui se livrent aux professions agricoles et industrielles ont-elles commencé à faire fortune qu'elles se hâtent de changer de condition ; rarement trois générations suivent la même carrière : aussi, tandis que chez un peuple voisin on voit prospérer la culture et se développer un commerce qui embrasse le monde entier, chez nous, au contraire, à quelques exceptions près, on ne rencontre que des laboureurs peu aisés et de timides commerçants.

La fureur des emplois publics détourne beaucoup d'hommes des professions utiles. On rougit de la ferme modeste, de l'humble boutique où l'on a reçu le jour : le père tenait la charrue, le fils trouve que c'est indigne de lui ; il veut faire figure à la ville, être avoué ou notaire. Son fils, à son tour, méprisera l'étude paternelle, et voudra être fonctionnaire ; il n'aura point de repos qu'il n'ait l'habit brodé et l'épée au côté. On devient un être vaniteux, famélique, envieux, sans cesse à l'affût d'un décès ou d'une démission. Que de frelons usent ainsi leur existence à solliciter les gens dont ils ont besoin, vivant aux dépens de la société qui les défraye, eux et leur famille.

La France ressemble à l'empire romain dans ses derniers jours ; le tableau que Lactance a tracé de la décadence romaine sous Dioclétien présente une analogie frappante avec ce qui se passe autour de nous : « Bientôt, » dit-il, « le nombre des hommes salariés surpassa tellement celui des contribuables, que, les ressources des colons étant épuisées par l'énormité des impôts, les campagnes furent abandonnées, et les champs cultivés se changèrent en forêts. Puis, pour semer partout la terreur, les provinces furent aussi fractionnées, et sur chaque pays, sur chaque ville, vinrent s'abattre de nombreux gouverneurs, suivis d'employés plus nombreux encore, les percepteurs, les inspecteurs du domaine, les vicaires des préfets. Or de tous ces fonctionnaires les actes civils sont très-rares, mais les condamnations, les proscriptions fréquentes, et les exactions de tout genre souvent répétées, c'est trop peu dire encore, continuelles, et dans ces exactions même, d'insupportables abus. »

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