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Histoire de Montdidier
Livre II - Chapitre IX - Section I

par Victor de Beauvillé

Section I

Population

Professions

Climat

Maladies

Nature du terrain

Division cadastrale

Cimetière

Contributions

Nombre de maisons

 

La population de Montdidier est restée stationnaire depuis plus de cent cinquante ans : elle était de 3,815 habitants en 1698 ; d'après le recensement fait en 1856, elle ne s'élève qu'à 3,927 individus.

En 1719 on comptait 837 feux      
En 1741 id. 862 id. 3,036 habitants.  
En 1753 id. 845 id.      
En 1787 id.     3,909 id.  
En 1790 id. 900 id. 4,032 id.  
En 1807 id.     4,107 id.  
En 1811 id.     4,130 id.  
En 1821 id.     3,668 id.  
En 1831 id.     3,769 id.  
En 1839 id.     3,790 id.  
En 1851 id. 966 id. 3,798 avec la population flottante 4,063 habitants
En 1856 id. 1,031 id. 3,927 id. 4,144 id.

Les 3,927 habitants de population réelle forment 1,152 ménages, présentant les résultats suivants :

Garçons 947
Hommes mariés 855
Veufs 93
Filles 964
Femmes mariées 854
Veuves 214
  Total 3,927

Ces 3,927 habitants sont classés de la sorte dans le recensement officiel de 1856 :

Propriétaires cultivateurs 5 États de luxe 30
Fermiers 111 Autres états 65
Journaliers et ouvriers agricoles 145 Propriétaires vivant de leur bien 493
Industrie du cuir 126 Commerce d'alimentation 131
Industrie du bois 90 Commerce d'habillement et toilette 67
Industrie céramique 47 Professions judiciaires 111
Industrie du bâtiment 418 Professions médicales 34
Industrie de l'habillement 461 Gouvernement et administrations  
Industrie de l'alimentation 828       publiques et privées 159
Industrie des transports 112 Individus sans profession 117
Industrie relative aux arts 68    

Nous laissons de côté quelques catégories peu nombreuses. Le recensement de l'an dernier a été exécuté d'après un mode fort peu rationnel, et parfois inintelligible. Ainsi, à Montdidier, les professions judiciaires présentent le chiffre effrayant de 111, et les professions médicales, le chiffre non moins respectable de 34. Au premier abord on serait tenté de croire que notre ville est peuplée de malades et de plaideurs : grâce an ciel il n'en est rien. Comment donc expliquer ces chiffres élevés ? Le voici : on range, dans les professions judiciaires et médicales les domestiques attachés aux personnes exerçant ces professions. Ainsi, aux yeux de l'administration, la cuisinière d'un juge ou d'un médecin est considérée comme rendant la justice ou pratiquant la médecine : c'est la plus grande absurdité que l'on puisse concevoir. Même observation sur le chiffre de 493 propriétaires : les domestiques sont assimilés à leurs maîtres.

Le dénombrement de 1851, beaucoup plus méthodique, avait conservé la catégorie des domestiques attachés à la personne, et l'on en comptait 185. La domesticité n'est-elle pas un état tout aussi légitime que celui d'huissier ou de dentiste ? Les faiseurs de statistiques pourront s'évertuer tout à leur aise avec le dernier recensement ; lorsqu'on a la clef de ces sortes de travaux, on sait combien ils méritent peu de confiance, et le cas qu'on doit faire de ces tableaux si magnifiquement alignés, et des bataillons de chiffres qui les terminent.

La population est bien inférieure à ce qu'elle était sous Philippe-Auguste : il y avait de son temps deux mille maisons ; en supposant, comme aujourd'hui, quatre personnes par maison occupée, cela donne huit mille habitants. Nous sommes réduits à la moitié. Ainsi que j'ai eu déjà plusieurs fois occasion de le dire, Montdidier avait autrefois une importance beaucoup plus grande que de nos jours ; la ville fut cruellement éprouvée dans le quinzième siècle, époque à laquelle les guerres et les incendies la ruinèrent de fond en comble. En 1460, il n'y avait plus que trois cents maisons, et en 1473 cent ménages seulement ; vingt ans après (1492), le nombre des maisons ne s'élevait encore qu'à cent soixante et onze, qui, d'après le calcul actuel, représentent une population de six cent quatre-vingt-quatre habitants.

Le manque d'industrie s'oppose à l'augmentation de la population ; ce n'est que dans les pays de fabrique et dans les grands centres manufacturiers que l'accroissement est sensible, mais ce résultat entraîne à sa suite de tels inconvénients que nous ne savons jusqu'à quel point on doit le désirer pour notre cité. Si la population est stationnaire, ceux qui la composent ont du moins le bonheur d'en faire partie pendant de longues années, c'est un avantage à considérer. On vit longtemps à Montdidier, rien n'y use le corps et ne fatigue l'intelligence ; les octogénaires y sont communs : dans le dénombrement de 1851, ou en comptait trente et un, et dans celui de 1856, vingt et un. Ce dernier recensement présente, en outre, deux personnes ayant atteint, l'une quatre-vingt-quatorze, l'autre quatre vingt-quinze ans, et cent vingt-cinq individus ayant dépassé leur soixante-dixième année. Lors de la suppression du couvent des Franciscaines, en 1765, il y restait cinq religieuses, dont la plus jeune avait quatre-vingt-quatre ans, et la plus âgée quatre-vingt-douze. La régularité de la vie monastique est, il est vrai, très-favorable à la longévité. Parmi les personnes du monde, on en voit beaucoup qui, dans un âge fort avancé, se portent parfaitement. Scellier fait observer avec raison comme une chose remarquable que, du mois de février 1739 jusqu'au 18 juillet 1740, il n'était mort aucun bourgeois de vingt à quatre-vingts ans.

L'air vif et sec contribue à la santé des habitants ; la ville n'étant abritée d'aucun côté, le vent s'y fait sentir avec violence. Les vents dominants sont ceux de l'ouest, du sud-ouest et surtout celui du nord-ouest ; les brouillards sont assez rares et peu intenses ; nos ancêtres prétendaient que le mont Soufflard et la montagne de Coivrel détournaient les orages. Il paraît qu'il y a eu des révolutions dans les régions célestes, car l'influence bienfaisante de ces montagnes ne se fait plus sentir. Le thermomètre ne s'élève jamais au-dessus de 35° centigrades, et rarement il descend à 18° ; le 21 janvier 1789, il gela à 26°, mais c'est une exception.

Si nos concitoyens jouissent d'une bonne santé, ils en sont peut-être en partie redevables à l'exercice de la promenade, auquel ils se livrent volontiers ; nous avons vu qu'on les appelait autrefois les Promeneurs. Ce surnom excite l'indignation de Scellier, qui trouve la qualification peu honorable pour ses compatriotes : « Qui dit promeneurs dit gens oisifs, exposés par conséquent ou enclins à mille désordres. Vous passez, » leur dit-il, « la vie par commencer tous les matins à vous présenter sur une place ou dans les promenades publiques pour y ramasser a la hâte les nouvelles fausses ou véritables qui s'y débitent, dans le dessein d'aller le reste du jour en entetenir vos amis et autres dans les différents quartiers de la ville, et en former toutes vos conversations, souvent même aux dépens du prochain, par une démangeaison de passer pour nouvellistes. » L'épithète de promeneurs serait peut-être moins méritée à présent quelle ne l'était dans le siècle dernier. Les citadins ne circulent plus sur la Place, discourant de ce qui ne les regarde pas ; mais les commérages, pour avoir changé de quartier général, n'en sont ni moins actifs ni moins insupportables, et aujourd'hui le Rempart n'a rien à envier à la Place.

On n'observe a Montdidier aucune maladie endémique. Le choléra n'y a jamais paru : les dyssenteries, les fièvres typhoïdes, les affections catarrhales, les engorgements, les inflammations des voies respiratoires et des organes digestifs, les rhumatismes, la goutte, sont les cas les plus fréquents. Ces maladies sont attribuées à l'insalubrité des logements dans la vallée, aux brusques variations de la température, qui offre quelquefois des différences de 10° en un jour, au défaut d'hygiène, et surtout à l'abus de l'eau-de-vie. L'ivrognerie fait à elle seule autant de victimes que toutes les maladies réunies : il ne se passe pas d'années où l'on ne voie des personnes périr des suites de leur intempérance ; mais cet exemple ne corrige pas les autres. La passion des liqueurs alcooliques est portée à un point extrême ; c'est une des villes où, proportion gardée, la consommation en est la plus forte ; on l'évalue par jour au moins à deux hectolitres d'eau-de-vie à 46°, ce qui représente 8.000 petits verres à 5 cent., ou 400 fr.: hommes et femmes, dans le peuple, sont également adonnés à la boisson, et, par l'usage immodéré qu'ils en font, abrégent le cours de leur vie.

Le territoire de Montdidier est tourmenté par des ravins profonds qui, prenant naissance sur les communes de Faverolles, Fignières, Royaucourt et le Mesnil, viennent aboutir à la rivière des Dom. La qualité des terres varie à l'infini ; elles sont excellentes dans la vallée et sur la rive gauche de la rivière, qui est en pente douce, tandis que la rive droite exposée aux vents d'ouest est très-escarpée et bien moins fertile. Cette différence tient à la position du terrain. Dans toutes les vallées dont la direction est perpendiculaire, ou à peu près, à celle des vents pluvieux, la pente de la montagne exposée à ces vents est toujours beaucoup plus rapide que l'autre ; cela résulte du choc des pluies du sud-ouest, qui sont forcées par le vent à prendre, dans leur chute, une direction assez inclinée à l'horizon et de nature, plus que toute autre, à dégrader le sol qu'elles attaquent.

« La craie forme la base du terrain (on la trouve encore à 70 mètres de profondeur) ; elle est à jour au nord de la vallée. Au côté sud, le limon argilo-sableux existe dans la partie moyenne et inférieure de la vallée. Dans les caves de Montdidier et dans quelques autres lieux où la craie blanche a beaucoup d'épaisseur, on observe des silex dans une direction verticale et presque tous en contact. Ils sont fort larges, mais ils n'ont qu'environ deux décimètres d'épaisseur. J'en ai vu dans plusieurs endroits qui s'écartaient de la perpendiculaire, prenant une direction plus ou moins oblique, mais, dans ce cas comme dans le précédent, on ne les rencontre que dans la craie blanche supérieure. Ne pourrait-on pas attribuer la fermentation de ces silex plats à l'introduction d'une eau tenant une grande quantité de silice en dissolution dans les fentes occasionnées par la dessiccation résultant du retrait des eaux ? Le petit nombre de lignes verticales et obliques de silex plats pourrait provenir de ce que l'eau qui remplissait les fentes contenait presque toujours une plus grande abondance de carbonate de chaux, ou de ce qu'il ne sera pas arrivé souvent que la craie, après avoir été déposée, sera resté assez longtemps à découvert pour donner lieu à la formation des fentes. On voit aussi il est vrai, mais rarement et pas dans la partie tout à fait supérieure de la craie, des lits horizontaux de silex plats, plus épais en général que ceux dont je viens de parler. Leur aplatissement peut être dû à la consistance que commençait à prendre la craie, lorsque les eaux siliceuses sont arrivées, et à la rapidité avec laquelle la craie supérieure sera déposée de manière que son poids fût assez considérable pour aplatir les silex encore mous. A Montdidier la craie contient des bélemnites, mais en petit nombre. Les habitants leur donnent le nom de pierre de bonheur.

On voit des galets, mais en petite quantité auprès de la ville, en y arrivant parle chemin de Piennes. A la sortie de Montdidier, vers Breteuil dans le diluvium, sur le bord de la route de Rouen à la Capelle, aux silex non roulés sont mêlés de nombreux galets de silex de diverses grosseurs. » (Buteux, Esquisse géologique de la Somme.)

Le territoire comprend, d'après le cadastre fait en 1832, une superficie de 1,258 h. 23 a. 88 c. de terres, prés, bois et bâtiments, divisés de la manière suivante :

DÉSIGNATION. HECTARES. ARES. CENT.
Terres labourables 1,021 90 22
Jardins et jardinages 77 46 74
Vergers 8 32 94
Maisons, cours et bâtiments 20 82 85
Bâtiments du tribunal, de l'hospice, du collége, etc. 3 92 43
Rideaux 14 10 24
     Id.         plantés 1 30 90
Prés 6 34 67
     Id. plantés 5 92 »
Pépinières 1 29 »
Oseraies 15 74 50
Bois 6 44 19
Plants » 41 30
Chemins de la ville et de particuliers 49 83 62
Promenades 2 72 60
Passages » 17 02
Églises, presbytères et église Saint-Martin » 52 87
Cimetière » 90 60
Places publiques » 63 24
Fossés 1 02 30
Ravins » 5 02
Friches 12 » »
Terres vaines et vagues 1 13 50
Rivière et ruisseaux 2 37 21
Futaie » 69 20
Jeu d'arc » 18 28
Moulins à eau » 2 64
     Id.       à vent » 27 »
Briqueteries 1 54 »
Fours à chaux » 2 60
Carrières » 10 20
                            Total 1,258 23 88

On voit, d'après ce tableau, que la ville ne possède aucune propriété de rapport ; les terrains occupés par les édifices publics, les rues, les promenades, le cimetière, n'ont qu'une étendue très-circonscrite. A la Révolution, tous les immeubles ont été vendus.

Le cimetière est au nord de la ville, entre la route de Tricot à Rosières et l'ancien chemin d'Ételfay ; il a la forme d'un triangle. Le terrain fut acheté en 1792, moyennant 1,166 fr., et l'on commença à y enterrer vers 1793. On nommait ce lieu funèbre le Champ du repos et le Jardin de l'égalité ; cette dernière désignation s'est conservée dans le peuple, qui appelle encore le cimetière l'Égalité : c'est bien là, en effet, le seul lieu où elle existe réellement. L'usage d'inhumer dans les églises ne cessa pas de suite : on enterrait encore à Saint-Pierre en 1798, et le cimetière Sainte-Barbe ou du Saint-Sépulcre, affecté indifféremment aux deux paroisses, servit jusqu'en 1802. Le cimetière actuel, entouré de murs de briques construits sous la Restauration et le gouvernement de Juillet, est fermé par une grille de fer, flanquée de deux beaux piliers de pierre. Cette fermeture a été établie en 1836. A droite de l'entrée, est un pavillon de briques et pierres, qui sert d'habitation au concierge, et fut bâti en 1846, aux frais de madame veuve Bosquillon de Bouchoir, née Graëb. Le cimetière est dans un état d'entretien parfait ; beaucoup de familles y possèdent des caveaux particuliers, et l'on remarque plusieurs monuments de pierre et de marbre exécutés arec goût. L'espace devenant trop étroit, on a fait, en 1856, et pour la somme de 2,278 francs, l'acquisition de 32 ares 58 cent. de terrain nécessaires à son agrandissement. [cf. SUPPLÉMENT]

Les contributions, pour 1856, se sont élevées à 57,457 francs 63 centimes, répartis de la sorte :

Contribution foncière 20,668  f 82 c
Personnelle et mobilière 14,165   18  
Portes et fenêtres 9,164   29  
Patentes 13,378   54  
Avertissement 80   80 ,attribués au directeur des contributions.
Sur cette somme l'État prélève 43,343  f 56 c
Le département 9,399   03  
La ville 5,495   61 , dont il faut
        déduire 138 fr. 63 c. pour frais de perception.

Ainsi la commune ne touche pas le onzième de ce qu'elle verse au trésor ; la diminution des charges publiques est un leurre dont on se flatte vainement. En 1787, les tailles, impositions, vingtièmes et corvées ne montaient qu'à 18,826 liv. 10 sols 3 deniers. Grâce à quatre ou cinq révolutions. les impôts ont triplé : c'est leur résultat le plus positif ; le bien-être est loin d'avoir augmenté dans la même proportion.

Les 3,927 habitants de population fixe occupent 989 maisons, dont 437 dans l'intérieur de la ville et 552 dans les faubourgs ; ces derniers sont plus considérables que la ville, contrairement à ce que l'on voit partout ailleurs : cette disproportion choquante défigure Montdidier, et lui donne un peu l'air d'un fort bourg. Il n'y a pas de remparts qui ceignent la ville, point de promenades qui l'entourent ; on ne sait ni où elle commence, ni ou elle finit. Ses abords ressemblent à ceux de toutes les communes rurales : des maisons basses, à un seul rez-de-chaussée, sans apparence, et des toits de chaume, voilà ce qui frappe les yeux ; les faubourgs sont de véritables villages ; et cependant que d'améliorations depuis vingt-cinq ans !

Le nombre total des maisons s'élève à 1,031, dont 948 entièrement habitées, 41 habitées en partie, 39 inhabitées et 3 en construction ; ainsi il y a 80 maisons vides ou à peu près, 491 maisons n'ont qu'un rez-de-chaussée, et 61 sont encore couvertes de chaume. Les 552 maisons des faubourgs sont groupées de la manière suivante :
 

Faubourg Saint-Martin 97 maisons.
Faubourg Saint-Médard 63 id.
Faubourg Becquerel 45 id.
Rue des Tanneries 48 id.
Faubourg de Paris (y compris 13 maisons pour le
quartier Saint-Luc)
167 id.
Faubourg d'Amiens 20 id.
Faubourg de Roye 112 id.

Les maisons, construites de brique et de pierre dans la ville et de bois dans les faubourgs, manquent généralement d'élégance.

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