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Histoire de Montdidier
Livre IV - Chapitre II - Section XVI

par Victor de Beauvillé

CARON (Firmin-Bertin), reçut le jour le 2 avril 1805 ; son père était maître maçon ; sa mère se nommait Sylvie Foulloy. Une personne bienfaisante de la ville le fit entrer au collége de Montdidier, et se chargea de pourvoir à son entretien. Notre compatriote manifesta de bonne heure du goût pour la poésie, et, encore sur les bancs, composa une comédie en cinq actes intitulée : l'Indolent ; elle avait deux mille quatre cents vers : pour un écolier ce début promettait. Vers le même temps il termina un petit poëme sur l'Envie.

Destiné à l'état ecclésiastique, M. Caron, après avoir terminé ses études, entra au séminaire d'Amiens, et fit marcher de front la théologie et le culte des Muses. Il traduisit en vers les odes d'Horace et les donna à lire à un professeur de l'Université, ayant soin d'entremêler sa traduction avec celle de Daru, sans néanmoins faire connaître cette petite supercherie. Le professeur, après mûr examen, indiqua les strophes de M. Caron comme étant les meilleures ; cette préférence fit découvrir la ruse. Le jeune poëte ne put contenir son émotion ; en le voyant rougir, le professeur se douta de quelque chose, et lui demanda si par hasard il ne serait pas l'auteur des vers ; sur la réponse affirmative de M. Caron, qui ajouta que les vers trouvés moins bons que les siens étaient de Daru, l'aristarque, pris au piége, demanda à examiner de nouveau la traduction, et lorsque le lendemain M. Caron, tout joyeux, retourna pour connaître son sentiment : Vos vers sont bons, lui dit-il, mais ceux de Daru sont bien supérieurs. Que de gens jugent d'après l'étiquette du sac, et combien Francaleu a raison de s'écrier :

Voilà de vos arrêts, messieurs les gens de goût !
L'ouvrage est peu de chose, et le seul nom fait tout.

Cette palinodie frappa M. Caron et le dégoûta de la poésie. Craignant que l'inclination naturelle qu'il avait pour la littérature ne le détournât des devoirs de son ministère, il s'imposa par esprit de religion l'obligation de ne point faire de vers profanes avant l'âge de quarante ans, et il a tenu fidèlement sa promesse. Au sortir du séminaire, M. Caron fut nommé vicaire à Rosières ; curé de Vrély depuis 1833, il a fait beaucoup de bien dans cette paroisse difficile. Modeste autant qu'instruit, c'est un des ecclésiastiques les plus pieux et les plus charitables du diocèse.

M. Caron a traduit en vers français les hymnes de l'office de saint Nicolas, évêque de Myre, patron de la commune de Wiencourt ; il avait l'intention de traduire de même toutes celles du propre d'Amiens ; c'était une entreprise qui aurait fait honneur au diocèse. Mgr Mioland l'avait encouragé de sa protection éclairée ; la translation de ce prélat à l'archevêché de Toulouse et le brusque retour de son successeur à la liturgie romaine, ne permirent pas de donner suite à ce projet ; M. Caron, appréhendant qu'on n'interprétât mal sa pensée, et qu'on ne vît dans son ouvrage un esprit d'hostilité, y renonça par excès de déférence envers ses supérieurs.

Un autre travail l'occupe en ce montent ; sur ma demande, M. Caron a bien voulu commencer la traduction en vers de la tragédie latine des Saints Lugle et Luglien, du père Bonaventure Fricourt : c'est là un sujet éminemment patriotique et religieux ; nul doute que nos concitoyens n'accueillent cette production avec la faveur et l'intérêt qui doivent s'attacher aux œuvres d'un Montdidérien.

Office de saint Nicolas, évêque de Myre, patron de la paroisse de Wiencourt, transféré au 9 mai, jour de la translation de ses reliques. Amiens, Lenoël-Herouart, in-18 (1841).

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