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Histoire de Montdidier
Livre IV - Chapitre II - Section LXVI

par Victor de Beauvillé

VÉRANI de VARENNE (Pierre-Jean), né le 17 septembre 1769, était fils de Jacques-Édouard Vérani de Varenne, receveur des tailles de l'élection de Montdidier, et de Marie-Jeanne Milon d'Ainval.

Après avoir terminé ses études à Paris, au collége des Grassins, il entra dans la maison militaire du roi ; mais il y resta fort peu de temps, et revint presque aussitôt dans son pays. Il était encore mineur lorsque, le 2 mars 1789, son père lui acheta, moyennant 36,000 liv., la charge de lieutenant général au bailliage. Cette somme paraîtra bien modeste pour la première dignité judiciaire d'un gouvernement qui comprenait plus de cinq cents villes, bourgs et villages, aujourd'hui qu'une étude d'huissier se vend presque aussi cher. La Révolution, en abolissant la vénalité des charges, brisa la carrière de M. Vérani ; il se vit enlever sa place avant de l'avoir occupée ; car, n'ayant pas l'âge requis pour exercer, il n'avait pu être installé dans ses fonctions.

D'autres épreuves l'attendaient : sous la Terreur, il fut emprisonné avec plusieurs membres de sa famille, et sa maison fut convertie en prison. La poésie vint le consoler des ennuis de la captivité. En 1793, l'esprit et le cœur toujours remplis du souvenir de son maître, comme il le dit lui-même, M. Vérani composa sous les verrous une élégie sur la mort de Louis XVI. Le moment n'était pas favorable pour chanter une si grande infortune ; l'auteur ajourna à des temps meilleurs la publication de sa pièce, et la fit paraître aussitôt la rentrée des Bourbons. Vers la même époque, il composa sur les Journées de septembre une élégie, et la publia, avec divers changements, en 1842.

Mis en liberté après la chute de Robespierre, M. Vérani, comme beaucoup de personnes de sa condition, fut obligé, pour réparer les désastres de sa fortune, de se livrer au commerce ; mais il était peu propre aux affaires, et il les abandonna dès qu'il lui, fut possible d'avoir une occupation plus conforme à ses goûts. En 1810, il fut nommé secrétaire de l'Académie de Nancy ; en 1815, il passa à Amiens en la même qualité, et y resta jusqu'en 1824 ; à cette époque il revint à Montdidier, où il demeura jusqu'à sa mort, arrivée le 15 décembre 1844. M. Vérani de Varenne avait épousé une demoiselle Boulanger, de Roye ; de cette union naquit un fils qui n'est point marié et habite notre ville.

M. Vérani versifiait avec facilité, mais un peu solennellement : sa muse ne se déride jamais. Les sujets qu'il a traités, graves et lugubres, ont encore contribué à donner de la froideur à son style ; il eut le grand tort de vouloir retoucher ses poésies à un âge où les années ont glacé l'imagination, et il nuisit à ses ouvrages, au lieu de les perfectionner. Sa Réponse à M. Galoppe, qui lui avait envoyé son poëme sur le Wisth, quoique l'une de ses dernières productions, est cependant une des meilleures. M. Vérani eût bien fait de s'adonner à un genre moins triste que l'élégie ; sa réputation littéraire y aurait certainement gagné.

M. Vérani déclamait à merveille et jouait parfaitement la comédie ; sa famille, occupant une place de finance, comptait parmi les plus riches de la ville. Dans la maison qu'elle habitait, il y avait une salle de spectacle où la société donnait des représentations théâtrales, plaisir très en vogue dans le siècle dernier ; cette maison forme l'angle de la rue de la Halle-aux-Draps avec la rue de la Commanderie, et l'on voit quelques restes assez curieux des peintures qui décoraient la salle de spectacle. M. Vérani conserva jusqu'à la fin de ses jours un goût très-vif pour les plaisirs de sa jeunesse : il était passionné pour le théâtre. Lorsqu'il en parlait, il s'animait, oubliait ses douleurs imaginaires, cessait d'être morose, et sa conversation devenait pleine d'attrait et d'enjouement. Comme tant d'autres, il voulut sacrifier sur l'autel de Melpomène, et composa une tragédie en trois actes, intitulée Thélaïre. L'action se passe au Mexique ; Fernand Cortès est le héros de la pièce. L'auteur présenta sa tragédie au Théâtre-Français ; elle obtint la faveur d'une lecture au comité général, mais là s'arrêta le succès de notre poète. Le comité n'admit point sa pièce aux honneurs de la représentation, la trouvant empreinte d'une couleur trop classique ; le drame échevelé régnait alors sur la scène. C'est à ce refus que M. Vérani fait allusion dans ces vers :

Melpomène une fois m'ouvrit son sanctuaire ;
Ses prêtres, réprimant mon ardeur téméraire,
Du temple inabordable ont repoussé mes pas.
Une indiscrète voix m'avait prédit tout bas
Que j'étais pour l'époque un auteur trop classique :
J'ai reçu cet arrêt comme un panégyrique,
Modeste et tout tremblant, j'avais franchi le seuil,
Je suis sorti peut-être avec un peu d'orgueil.

Les ouvrages de M. Vérani sont presque introuvables ; ils n'ont point été mis dans le commerce ; l'auteur les faisait tirer à un petit nombre d'exemplaires qu'il offrait à ses amis. Ce sont de véritables raretés bibliographiques ; en voici l'indication :

La mort de Louis XVI, élégie ; par M. de Vérani, ancien garde du roi, secrétaire de l'Académie de Nancy. Nancy, Leseure, sans date (1814), in-8°, 23 pages, non compris le titre.

Les Journées de septembre 1792, élégie. In-16, 15 pages, sans nom d'auteur et date d'impression.

Sur la feuille qui sert de couverture, on lit : Montdidier, impr. Radenez. En tête de l'opuscule se trouve la note suivante, de la main de M. Vérani : Composée en 1793, pendant nia captivité ; revue et corrigée en 1842. Cette brochure parut en 1842.

De l'influence de la musique sur la civilisation ; sujet proposé au concours, pour le prix de poésie par l'Académie d'Amiens. Montdidier, Radenez, in-16, 8 pages.

Cette pièce de vers a été imprimée dans le Journal de Montdidier, du 10 octobre 1843.

Napoléon ou l'abus du pouvoir, poëme élégiaque en quatre chants. Montdidier, Radenez, 1814, in-16, 32 pages.

Ce poème a été publié dans le Journal de Montdidier, du 30 mars 1844 et dans les numéros suivants. Le numéro du 30 mars contient également quelques vers ayant pour titre : Pensées philosophiques.

Aux anonymes. Journal du 20 mai 1843.

C'est une réponse à de sales couplets et à d'infâmes calomnies qu'une main odieuse lançait la nuit sous les portes ou faisait distribuer, sous forme de lettres, par le facteur : le mépris des honnêtes gens a fait depuis longtemps justice de ces turpitudes.

Réponse à M. Galoppe, qui lui avait envoyé son poëme sur le Whist. Journal de Montdidier, 10 avril 1843.

A-propos sur une pièce de vers attribuée à un médecin. Journal du 30 juillet 1843.

A l'auteur de la pièce de vers lue à la séance publique de la Société des antiquaires d'Amiens. Journal du 10 septembre 1843.

La personne à laquelle s'adresse cette pièce est M. Berville, auteur d'une épître à M. de Pongerville, insérée dans les Mémoires de l'Académie d'Amiens, 1843.

Épître en vers qui a concouru pour le prix de poésie, et qui a été citée honorablement dans la séance publique de l'Académie d'Amiens, le 1er septembre 1844. Montdidier, Radenez, in-16, 7 pages.

Cette pièce a été imprimée dans le Journal de Montdidier, du 20 septembre 1844.

M. Galoppe a consacré un article nécrologique à M. Vérani dans le Journal de Montdidier, du 20 décembre 1844.

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